Marie Roger Biloa: Une Afrique doit renaître de ses cendres
“Mon
père, Germain Tsalla Mekongo, a été l’une des figures de
l’indépendance, il a été ministre de finances dans le premier
gouvernement camerounais au lendemain de l’indépendance sous Ahidjo (qui
fut placé à la présidence du Cameroun par l'État sans légitimité). Il
était issu d’un mouvement d’opposition modéré et non pas radical, sinon
il n’aurait pu accéder au pouvoir. J’ai donc grandi dans une maison où
il y avait des meetings politiques, des rencontres etc.… A l’école il y
avait comme une espèce de chape de plomb car bon nombre de sujets ne
pouvaient pas être évoqués et notamment au sujet de ce que l’on appelait
les « terroristes» ou « éléments subversifs », ces termes qui
qualifiaient les resistants indépendentistes étaient bien souvent
employés à l’époque.
Ces
« terroristes » et ces « éléments subversifs » n’étaient autres que les
personnes qui se battaient, arme à la main, contre le système colonial
français et qui ont été assassinés ou durement réprimés et écartés de
l’accès au pouvoir.
Ma
vie d’enfant était aussi rythmée par les emprisonnements de mon père.
Il fut arrêté à chaque début de campagne politique, de façon à ce qu’il
ne se présente pas et fut relâché dès que les votes étaient effectués.
L’accès
à l’indépendance a été un arrangement entre le pouvoir colonial et les
mouvements les plus dociles et les plus malléables. Au lycée, des noms
étaient tabou comme Ernest Ouandié, Ruben Um Nyobe… tous ces leaders du
mouvement d’indépendance étaient bannis de notre mémoire parce qu’ils
étaient considérés comme terroristes et les gens y croyaient, preuve de
la force et de l’efficacité de la propagande coloniale de l’époque!
Cette
histoire familiale, ce contexte dans lequel j’ai grandi m’a
certainement influencée dans mon choix pour le métier de journaliste.
Vivant à l’étranger, j’ai fortement ressenti ce désir d’Afrique, c’est
pourquoi je désirais m’engager dans une activité qui maintienne un lien
fort avec ce continent. Le journalisme semblait correspondre
parfaitement à mon tempérament, non pas en rébellion face à un pouvoir,
mais plus dans un souci de dialogue entre africains et de combat face
aux stéréotypes pour révéler la « vraie » Afrique et la richesse de son
histoire…afin que l’on cesse de confiner l’Afrique à un rôle mineur.”
Propos recueillis par Nadjib SELLALI
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