Droit de préemption : un permis de discriminer délivré par la Cour de cassation

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Lundi, 2 Décembre, 2013
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Les maires de Charvieu-Chavagneux et du Pont-de-Chéruy exerçaient leur droit de préemption afin de limiter l’accès de leurs villes à des français d’origine étrangère.

Le droit de préemption est une procédure permettant à une personne publique (ex: collectivité territoriale) d’acquérir en priorité, dans certaines zones préalablement définies par elle, un bien immobilier mis en vente par un particulier ou une entreprise, dans le but de réaliser des opérations d’aménagement urbain. Le propriétaire du bien n’est alors pas libre de vendre son bien à l’acquéreur de son choix et aux conditions qu’il souhaite.

 

À l’annonce de la mise en vente d’un terrain dans la commune de Charvieu-Chavagneux, des personnes intéressées s’étaient manifestées pour s’en porter acquéreurs. Ayant eu connaissance du nom à consonance maghrébine de ces futurs acquéreurs, le maire Richard Dezempte a aussitôt exercé son droit de préemption. Les vendeurs ayant finalement renoncé à vendre à la mairie en raison du prix proposé jugé insuffisant, la vente sera conclue avec un autre acquéreur la vente se réalisa sans que la mairie ne mette en œuvre son droit de préemption.

 

Autre faits : Sylvia AGDAD, s’est vue à plusieurs reprises refuser l’achat d’une maison par des agences immobilières sous prétexte que le maire du Pont-de-Chéruy, Alain Tuduri, « ne veut plus d’immigré car le quota d’immigrés est atteint depuis longtemps par la commune ». Alertée par la victime, le vice-président de SOS Racisme a saisi la justice en se constituant partie civile contre les maires mis en cause par de nombreuses

victimes.

 

Le mérite des juges du fond, le mépris de la Cour de cassation

 

Dans le cadre des instructions, plusieurs éléments ont accrédité le fait que les droits de préemption n’avaient été exercés qu’en raison de l’origine ethnique des acquéreurs potentiels, pour empêcher ces derniers d’accéder à la propriété. L’élu du Pont-de-Chéruy fut condamné en octobre 2009 par le tribunal correctionnel de Vienne à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et à verser 17 500 euro de dommages et intérêts aux plaignants, défendus par Me Joël Grabarczyk. Le 16 juin 2010, la Cour d’Appel de Grenoble confirma le jugement mais modifia la peine préférant au sursis une privation du droit d’éligibilité du maire. L’élu de Charvieu-Chavagneux, quant à lui, fut condamné à 1 500 euros d’amende pour discrimination raciale et à 3 ans d’interdiction des droits civiques, civils et de familiaux. Jugement confirmé par la Cour d’appel de Grenoble.

 

Coup de théâtre : la Cour de cassation casse et annule en toutes leurs dispositions les arrêts de la Cour d’appel. Les condamnations avaient été prononcées sur le fondement de l’article 432-7 du Code pénal, qui prévoit que « la discrimination définie à l’article 225-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste : 1° à refuser le bénéfice d’un droit accordé par la loi […] ». Or, rappelant le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, la Cour de cassation a considéré que « l’exercice d’un droit de préemption, fut-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d’un droit accordé par la loi ». Cette affirmation est d’autant plus surprenante qu’elle conduit à s’interroger sur la portée réelle du droit de préemption et plus largement du droit de propriété. Le droit d’accès à la propriété, tout comme celui de sa cession, est consubstantiel au droit de la propriété, fondement de la Constitution dans toutes les Républiques depuis 1789. Et c’est avoir une conception bien féodale de la propriété que de considérer l’acheteur comme ne pouvant revendiquer la protection du droit de propriété étant donné qu’il n’en est pas « encore » titulaire. Dans cet esprit moyenâgeux, la Haute cour semble convaincue que l’élu est un seigneur au pouvoir incontestable sur « ses terres ».

 

Faut-il que le législateur réécrive l’article 432-7 du code pénal afin de l’expliquer aux juges de la Cour de cassation et dans cet effort pédagogique que l’exercice du droit de préemption, lorsqu’il n’est pas motivé par l’intérêt général mais par la discrimination raciale, et non seulement un abus mais un délit ? Par ces décisions, la Haute juridiction délivre des permis de discriminer à des élus et les érigent en féodaux locaux.

 

Abdenour D et Naila DBdL

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