France Habitation : Les codes aggravés de la discrimination

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Lundi, 27 Janvier, 2014
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La SA HLM France Habitation appartient à ASTRIA (ex OCIL) qui collecte la contribution des entreprises à la construction de logements sociaux. Elle gère 50 000 logements sur 170 communes d’Ile de France. Les chargés de clientèle et directeur d’agence de France Habitation sont chargés de sélectionner les salariés des entreprises qui cotisent à ASTRIA à qui un bon de visite va être délivré en espérant qu’ils acceptent l’appartement proposé.

Boualem Benabdelmoumene, victime de son patronyme

 

En 2002, un salarié français, via le 1% de son entreprise Sécuritas obtient un bon de visite pour un appartement de France Habitation à Bagneux. Il faisait savoir qu’il l’accepte. C’est alors que la directrice d’agence déclare «C’est impossible avec son nom, que Boualem Benabdelmoumene obtienne cet appartement, dans cet immeuble on ne peut pas y mettre d’étranger.»

 

Boualem contacta SOS Racisme et organisa un testing avec Samuel THOMAS, le vice-président de l’association et France 2, les propos répétés furent diffusé au journal télévisé en avril 2002. Suite à ce reportage, Boualem obtenait un appartement et l’affaire aurait pu s’arrête là. Mais la révélation de cette discrimination allait libérer des langues. Dans un premier temps SOS Racisme recevait un fax «anonyme» le 25 mai 2002 de cadres de l’OCIL qui dénonçaient le racisme de leur entreprise et indiquaient que les salariés originaires d’Afrique noire, du maghreb ou des iles, même en CDI, même avec 3 fois le montant du loyer en salaire étaient écartés et qu’on ne leur proposait seulement au cas par cas que des logements dans les cités difficiles.

 

Un véritable système de discrimination raciale codifié ?

 

Quelques temps plus tard, un directeur d’agence de France Habitation témoignait auprès du vice-président de SOS Racisme et apportait avec lui la correspondance email impliquant la direction dans laquelle était mentionnée la liste des immeubles « en critère 4, 2 ou 2 aggravés » dans lesquels il ne fallait plus orienter les salariés d’origine maghrébine, africaine ou antillaise.

 

En juin 2003 une chargée de clientèle, en poste témoignait que ce système encore en vigueur avec des « post it : Critère 4 » et apportait d’autres preuves écrites. Elle précisait pour quelles communes ces consignes étaient données. Avec tous ces éléments SOS Racisme, portait plainte avec constitution de partie civile en avril 2004. En septembre 2004, des salariés en poste chez France Habitation avertissaient l’association qu’une opération de destruction de fichiers et de support informatique venait d’être déclenchée suite au coup de fil d’un policier évoquant la plainte de SOS Racisme. Le nouvel observateur dénonçait alors l’absence de sérieux de la part de la

justice dans cette affaire et la juge d’instruction prenait le prétexte de cet article pour dire à la partie civile qu’elle ne travaillerait pas.

 

Trois ans plus tard, une nouvelle juge faisait enfin entendre, le DG de France Habitation Pascal van Laethem qui reconnaissait avoir mis en place ce système codé en 1999 pour organiser la « mixité sociale » mais prétendait avoir très vite cessé d’utiliser les codes. Sa secrétaire depuis 2001 reconnaissait avoir rédigé un pense bête sur la signification des codes en 2002.

 

Le directeur du patrimoine Olivier PETIT confirmait que ce système était encore en vigueur en 2002. Il confirmait qu’il était l’auteur du mail du 29 mai 2001 qui donnait au nouveau directeur d’agence la signification des codes en vigueur et la liste mise à jour en avril 2000 des immeubles codés « 2 aggravés ».

 

Les graves manquements des juges d’instruction

 

Le juge d’instruction, Madame Aline Batoz refusait les demandes d’actes du vice-président  de SOS racisme en 2008 et rendait en juillet 2010 un non-lieu au prétexte qu’elle n’aurait pas pu identifier de victimes et que ce système de discrimination codifié aurait selon les dirigeants cessé en 2002. SOS Racisme avec Me Nadège Pin et Me Patrick Maisonneuve faisait appel de cette décision et la cour ordonnait le 7 décembre 2010 au juge de reprendre son investigation « aux fins de mise en examen des personnes physiques ou morales que l’instruction déterminera ».

 

En octobre 2012, la Maison des Potes Maison de l’Egalité se constituait alors partie civile et demandait que le délit soit correctement qualifié. En effet, la nouvelle juge d’instruction refusait de prononcer la mise en examen des dirigeants de l’entreprise qui prétendaient qu’il n’y avait pas de discrimination puisque les salariés écartés d’un immeuble codé 4 ou 2 à cause de leurs origines pouvaient être orientés vers d’autres immeubles ou leur dose n’était pas dépassée.

 

Pourtant le code pénal sanctionne le délit de « subordination d’une offre » à un critère raciste et pas seulement le « refus ». Le substitut du procureur Diane Ngomsok se précipitait pour rendre un réquisitoire aux fins de non-lieu le 12 novembre 2012 et le 24 décembre 2012 la juge d’instruction Muriel Josie le suivait. Informé de l’existence de ce non-lieu au lendemain des fêtes Me Maisonneuve interjeta appel le 4 janvier 2013. Il apprenait alors que la demande de constitution de partie civile de la Maison des potes avait été égarée dans le tribunal. Finalement, en novembre 2013 la cour d’appel refusait d’examiner le dossier au fond au motif que l’appel avait été formé avec un jour de retard.

 

Pour la Maison des potes, le combat continue. Ce système de discrimination codifié sous prétexte de recherche de mixité sociale doit pouvoir faire l’objet d’un procès public. A suivre.

 

La Rédaction

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