« Pour garantir l’égalité, il faut mettre en place des contraintes »
Yasmine Oudjebour : Que peut-on dire de la parité en politique aujourd’hui ?
Emmanuelle Latour : La parité politique s’est déclinée par plusieurs lois d’application dont les listes paritaires pour les plus connues. Aujourd’hui nous avons donc des listes avec autant d’hommes que de femmes avec une stricte alternance, entre les hommes et les femmes, ce qui n’était pas le cas au début. Nous sommes allés ensuite un peu plus loin en proposant la parité qualitative c’est-à-dire que les exécutifs, au sein des conseils régionaux et municipaux, devaient être paritaires eux-aussi. En somme, une manière de dire oui il y a autant de femmes que d’hommes dans l’Assemblée mais il y en a tout autant à qui on confie des responsabilités, à qui on donne des délégations et, quand on est obligé de partager en deux les responsabilités, ça tord le cou aux stéréotypes sur les compétences dites féminines !
Et ça fonctionne ?
On s’aperçoit, en effet, qu’à partir du moment où l’on ne confie pas aux femmes seulement l’éducation, la santé,… permet à la fois de casser cette idée des compétences naturelles et de réaliser que finalement tout ça n’a pas grand chose à voir avec le sexe.
Là où la parité fonctionne moins bien c’est lorsqu’il s’agit d’un scrutin uninominal. Même si on compare les élections législatives de 2002 à celles de 2007, où cette année là beaucoup moins de partis politiques ont été pénalisés financièrement (retenues sur la dotation), il reste encore du chemin à parcourir. En ce sens, Chantal Brunel, la nouvelle Rapporteure de l’Observatoire de la parité, réfléchit à une proposition de loi qui viserait à contraindre les partis politiques à une parité plus qualitative, tant aux élections législatives que dans les départements, où à l’heure actuelle on a 88% d’hommes. C’est triste à dire mais pour garantir l’égalité il faut mettre en place des contraintes.
Peut-on en dire autant sur la question de l’emploi ?
C’est plus compliqué dans une société comme la nôtre où l’Etat ne régente pas tout. Même si nous avons en France une tradition d’un Etat interventionniste fort qui nous permet de mettre en place, dans le secteur privé, des mesures incitatives pour changer les mentalités dans l’organisation du travail. On peut décréter, que d’un point de vue de la citoyenneté, il peut y avoir autant d’hommes que de femmes sur l’organisation de la société, déterminer la place des hommes et des femmes sur le marché du travail et dans la famille car c’est étroitement lié. Il ne peut pas y avoir ou difficilement d’égalité professionnelle et salariale s’il n’y a pas d’égalité dans le partage des tâches domestiques. Tant que les femmes auront en charge 80% des tâches domestiques comment peuvent-elles, en même temps, être à temps plein sur le marché du travail ; tant qu’il y aura 25% d’écart de salaires comment peuvent-elles continuer à travailler pour que ce soit le conjoint qui s’occupe des enfants. Et ça c’est une catastrophe pour les femmes !
Dans quel sens ?
En réalité le fait de rester à la maison ou d’accepter un temps partiel est, sur le moment, une logique de couple. Or, on sait qu’en moyenne un couple sur trois divorce et pendant que les femmes s’occupent des enfants, qu’elles sont en temps partiel, elles cotisent moins. A l’heure actuelle, la retraite moyenne des femmes est de 860 € pour 1450 € pour les hommes : comment fait-on quand elles sont divorcées ? Il faut donc repenser la manière de calculer les retraites pour éviter une catastrophe économique d’autant plus que les femmes vivent 8 ans de plus que les hommes. C’est donc l’enjeu actuel et l’enjeu de demain et pour y arriver il faut un engagement, une prise de conscience de l’impact économique que ça peut avoir, argument auquel les entreprises sont sensibles.
Propos recueillis par Yasmine Oudjebour
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