Des soldats de la liberté face à la mort, des guerriers de l'égalité face à leur droit
En
1917, pour recruter des « indigènes » dans l’armée française, Blaise
Diagne, unique député noir africain nommé délégué du gouvernement,
parcourait l’Afrique en reprenant le slogan « En versant le même sang,
vous gagnerez les mêmes droits ». C’est avec cette promesse que des
dizaines de milliers d’africains furent enrôlés dans les troupes
françaises.
Après
avoir payé un lourd tribu lors de la 1ère guerre mondiale (sur 134.000
engagés venu de l’AOF, plus de 30.000 hommes sont morts et autant de
blessés), les tirailleurs « sénégalais » sont de retour en 1939, créant
une vive résistance face aux troupes allemandes qui en fusilleront des
compagnies entières par représailles.
Plus
de 30 000 soldats, venus d’Afrique noire ou de Madagascar, furent fait
prisonniers dans des Front-Stalag. Jean Moulin, à cette époque préfet de
Chartre, dû s’interposer pour protéger les prisonniers africains que
les Allemands voulaient fusiller. L’Allemagne fustigeait la France par
des campagnes de propagandes qui parlaient d’une armée de « sauvage » à
travers des films et photos de noirs africains emprisonnés dans les
camps allemands basés en France.
Des
milliers de soldats africains, évadés des camps allemands, rejoindront
la résistance. Dans un second temps, au sein des « Forces Françaises
Libres », les soldats africains payeront à nouveau le prix fort. Un
enrôlement massif et rapide se fait en terre d’Afrique pour la bataille
de Bir-Hakeim (26 mai au 11 juin 1942). Les débarquements de Provence
notamment sont menés par des dizaines de milliers d’africains. Au total,
de 1939 à 1945, on dénombre un minimum de 320.000 tirailleurs
maghrébins, 200 000 tirailleurs noirs africains et malgaches qui se sont
battus pour défendre et libérer la France, sans oublier un effectif
équivalent, mobilisé en Afrique pour participer à l’effort de guerre.
Des milliers sont morts, blessés et disparus au champ d’honneur.
Malgré
ce dévouement, la France démobilise une partie de ses troupes
coloniales à l’aube de sa victoire contre les Allemands. Ce «
blanchiment de l’armée » fut opéré pour le débarquement de Normandie et
pour la libération de l’Alsace et le franchissement des frontières du
Reich. De ce fait les troupes africaines participeront marginalement au
défilé de victoire du 14 juillet 1945 sur les Champs-Elysées.
Les
combattants africains n’étaient plus les « fidèles tirailleurs y’a bon »
de 1940. Ils n’acceptaient plus le paternalisme colonial et son code de
l’indigénat et réclamérent la fameuse égalité conquise au bout du fusil
qu’avait déjà promis en son temps Blaise Diagne aux sénégalais.
Regroupés
dans des camps pour être rapatriés en Afrique, les tirailleurs se
révoltent contre une injuste régularisation des soldes et des diverses
indemnités dues notamment aux anciens prisonniers. En Bretagne, en
novembre 1944, la gendarmerie intervient faisant plusieurs blessés.
Débarqués à Dakar le 21 novembre 1944, ces tirailleurs africains
continuent de réclamer la régularisation de leurs soldes et de leurs
indemnités. Une mutinerie éclate le 1er décembre 1944, brutalement
réprimée. Bilan officiel : 35 tués par fusillade et 48 emprisonnés. Ce
funeste événement sera pris en symbole et largement diffusé par l’armée
française auprès de l’ensemble des tirailleurs africains pour les
dissuader de tout soulèvement. En Afrique cette répression sonnera, à
l'image du massacre de Sétif et Guelma du 8 mai 1945 en Algérie, comme
le déclenchement des luttes d’indépendances.
Nadjib SELLALI
Source E.DEROO L’histoire méconnue
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