Delphine Batho « Fichiers de police : les défis de la République »

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Lundi, 17 Août, 2009
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Delphine Batho est Députée PS des Deux-Sèvres et Secrétaire Nationale du Parti Socialiste chargée des questions de sécurité, jusqu’en novembre dernier. Elle revient longuement sur son rapport parlementaire : « Fichiers de police : les défis de la République ».


Pendant plusieurs mois, Jacques Alain Bénisti (UMP) et vous-même avez sillonné la France pour voir comment fonctionnaient les différents fichiers de police. Quel constat tirez-vous ?

On assiste depuis plusieurs années à une prolifération du nombre de fichiers de police ainsi qu’à une augmentation de leur volume, d’où l’inquiétude légitime des citoyens. C’est à la suite de la mobilisation citoyenne, contre le fichier EDVIGE, que la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale a décidée d’engager un travail de fond. Il n’y avait jamais eu, jusqu’ici, de rapport parlementaire sur les fichiers de police, ce qui prouve l’étendue du déficit démocratique sur ce sujet. D’ailleurs, nous avons découvert que 25%, de ces fichiers de police, n’ont absolument aucune base juridique légale ! Les garanties de contrôles ne sont pas à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre dans une démocratie. Les outils les plus utilisés, par les policiers, ne sont pas toujours performants et reposent souvent sur des technologies dépassées. Enfin, il y a dans certains fichiers des défaillances et des dysfonctionnements très graves. Notre constat le plus sévère concerne le fichier STIC. Le nombre de personnes physiques, mises en causes inscrites dans ce fichier, est passé de 3,96 millions en 2001, à 5,58 millions au début de 2009, soit une progression de près de 41 %. Cette massification est directement liée à la culture du chiffre qui s’exerce sur les services de police. En effet, le même système informatique procède au fichage au STIC et à la production des statistiques de la délinquance du Ministère de l’Intérieur. Il y a ainsi un lien direct entre l’augmentation de 41%, du nombre de personnes inscrites au STIC, et l’augmentation de 71%, des gardes à vue, sur la même période. Le fichage des gardés à vue n’est pas conforme aux textes et conduit à des aberrations. Par exemple, prenons une affaire de violences urbaines où 20 personnes sont placées en garde à vue. À l’issue de leur enquête, les policiers défèrent seulement deux personnes à la justice. Si, au terme de la procédure, le parquet classe sans suite le dossier de ces deux personnes, elles seront effacées du STIC. Par contre, les 18 autres qui avaient été placées en garde à vue, puis disculpées et qui n’ont jamais été déférées, y resteront inscrites… C’est le monde à l’envers ! Le plus préoccupant, c’est que ce fichier n’est pas seulement consulté pour connaître les antécédents judiciaires d’une personne, mais aussi dans le cadre d’enquêtes administratives, par exemple pour une procédure de naturalisation ou pour  l’accès à certaines professions réglementées comme les métiers de la sécurité privée. Toute erreur, toute inscription indue ou inexacte dans le STIC peut ainsi avoir des conséquences désastreuses et barrer l’accès à l’embauche. Cela concerne l’accès à un million d’emplois en France !

 

Vous êtes Députée PS, n'y a-t-il pas eu trop de divergence sur la question avec Monsieur Bénisti, député UMP ?

Dès la polémique sur le décret du fichier EDVIGE, j’ai défendu l’idée que le décret devait être retiré et que c’était à la loi, après un débat démocratique, de définir et d’encadrer le contenu des fichiers de police. J’ai cherché à faire avancer cette idée centrale et à convaincre, y compris la majorité parlementaire, je l’assume. Je suis très fière qu’à l’arrivée, ce rapport, qui porte cette exigence d'un contrôle démocratique, ait été adopté à l’unanimité de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale. Oui, nous avons eu de nombreux désaccords avec Jacques Alain Bénisti, c’est normal et heureusement ! Mais pendant six mois, nous sommes allés dans les services de police, dans les tribunaux, pour voir comment tous ces fichiers fonctionnent au quotidien. Cette façon d’examiner les choses de façon concrète, à l’écoute de ceux qui font la saisie, utilisent et contrôlent ces fichiers, a fait bouger les points de vue. Plus nous avancions dans nos travaux, plus la contradiction qui se creusait opposait en fait d’un côté le législatif que nous représentions, et de l’autre l’exécutif, c’est-à-dire le gouvernement. À l’issue de ce travail, il reste 4 points de divergences majeurs sur les 57 propositions du rapport. Mon but était d’aboutir à l’unanimité, car c’était le seul moyen de peser pour faire réellement changer les choses. Ce qui donne du poids à nos propositions, c’est précisément qu’elles ont été adoptées unanimement.

 

Quelles sont vos recommandations ?

L'idée essentielle est que, seule la loi, doit pouvoir autoriser la création de fichiers de police. La police, pour faire son travail, a besoin de fichier précis, bien ciblés, bien tenus, et qui ne comportent pas d’erreurs. Il faut arrêter avec cette fuite en avant vers le modèle anglo-saxon du fichage systématique de la population, particulièrement lourd, coûteux pour les finances publiques, dangereux pour les libertés, et qui plus est, inefficace en terme de plus value pour l’enquête policière. Plutôt que des énormes fichiers incontrôlables, les policiers ont besoin d’outils modernes, assez pointus, comme les fichiers de rapprochement qui permettent d’aider l’enquêteur face à la délinquance sérielle. Nous proposons donc une refonte du cadre juridique, mais aussi un renforcement des contrôles et une modernisation technique. Nous demandons la mise en place d'une grande opération de nettoyage du STIC. Nous proposons qu’il soit mis fin au fichage par type ethno-racial, qui n’est conforme ni aux principes républicains, ni à l’idée que l’on peut se faire du métissage dans la société française. Nous demandons que le fichier de renseignement, qui remplacera EDVIGE, ne fasse en aucun cas l’objet d’un nouveau décret gouvernemental, mais qu’il soit créé par la loi en mettant fin au fichage des militants syndicaux, associatifs, et politiques qui exercent leur liberté d’expression et qui n’ont rien à faire dans un fichier portant sur des personnes qui menacent la sécurité publique.

 

Il ne s'agit pour l'instant que de recommandations. Pensez-vous qu'elles vont faire l'objet d'une réforme ou même d'une loi ?

Sitôt le rapport présenté, au mois de mars dernier, nous avons travaillé à l’élaboration d’une proposition de loi. Celle-ci donne une traduction concrète aux 26 propositions du rapport qui étaient de nature législative, et procède notamment à la réforme nécessaire pour que seule la loi puisse autoriser la création de fichiers. Cette proposition de loi a été déposée le 7 mai. Elle a été adoptée par  la Commission des Lois, le 16 juin dernier, là encore à l’unanimité. Reste à convaincre le gouvernement de ne plus s’opposer à son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée… C’est sans doute un combat de longue haleine, mais je n’ai pas l’intention de baisser les bras.

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