Malek BOUTIH
Pote à Pote : Quels étaient les enjeux lorsque SOS Racisme a lancé les premiers testings ?
Malek Boutih : Il s’agissait de faire émerger des preuves pour obtenir une décision de justice, et ainsi déplacer le combat antiraciste d’une lutte idéologique globale à une lutte contre les pratiques discriminatoires. Pour que les individus qui en sont victimes s’emparent de ce combat de défense des droits.
PAP : Pourquoi avoir commencé par les boîtes de nuit ?
M.B : Il y avait un symbole : l’exclusion des boîtes de nuit, c’est la matrice de l’isolement de certaines populations, les ados. Cela leur inculquait une certaine forme de rapports sociaux, à un âge où l’apprentissage de ces rapports construit la personne. Cela leur apprenait à ne pas s’habituer au mélange, et cela apprenait aussi du coup à ceux qui ne les rencontraient pas à ne pas s’habituer à eux. Qui plus est, la boîte renvoie à la sexualité, avec tous ses fantasmes d’envahissement, de « vol des femmes », etc.
PAP : A l’époque, la voie de la Justice était privilégiée à la négociation ou aux chartes... Pourquoi ?
M.B : Chaque individu doit avoir des outils pour se défendre. Il était anormal que les gens s’adressent à SOS Racisme pour cela : ils auraient dû pouvoir aller directement devant la Justice. Il est anormal que ces droits soient traités à part. Cela renvoie à une société d’équité plus que d’égalité, avec des groupes, des lobbies, une mosaïque où le rapport de force domine. Il fallait sortir de ça, et créer des précédents faciles à utiliser, ce que nous avons permis, puisque maintenant, un témoignage suffit pour provoquer une instruction, comme l’a reconnu un arrêt de la Cour de Cassation. De même, la pratique du testing a été validée par un autre arrêt. Il y a un nouveau clivage entre les progressistes et les conservateurs. Les uns ne sont pas moins racistes que les autres, mais les premiers doivent aider les individus à s’émanciper, y compris de leurs groupes initiaux. Il faut sortir d’une logique d’assistanat politique. Mais c’est difficile puisque, du coup, les individus peuvent échapper aux appareils, qui dirigent manifestations et pétitions… Les collectivités devraient ouvrir des bureaux de défense des droits pour permettre aux gens de lutter, plutôt que de négocier des chartes ou des labels.
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