Évacuation «prioritaire» des roms : une violation de la constitution
Retour sur un mensonge d’Etat
L’édiction de la circulaire « Bart » du 5 août 2010 prend ses racines dans le discours prononcé par Nicolas Sarkozy, le 30 juillet 2010 à Grenoble dans lequel il annonce avoir « demandé au ministre de l’Intérieur de mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms » car elles constituent « des zones de nondroit qu’on ne peut pas tolérer en France » et qu’ « en tant que chef de l’Etat [il ne peut] accepter qu’il y ait 539 campements illégaux en 2010 en France ».
Dès le 25 août 2010, avant même que la circulaire du 5 août ne soit rendue publique, la vice-présidente de la Commission européenne et commissaire européenne à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, Viviane Reding, critiqua l’attitude de la France en annonçant l’ouverture d’une procédure à son encontre. Le 31 août, à l’issue d’une rencontre avec la Commission européenne, les ministres de l’Immigration, Eric Besson, et des Affaires européennes, Pierre Lellouche, défendirent la même position : « l’action que nous menons ne vise aucune nationalité en particulier, ni aucun groupe ethnique. Les règles européennes doivent s’appliquer de la même façon à tous les ressortissants communautaires, quel que soit leur pays d’origine ».
Dès que la circulaire fut rendue publique par un article du Canard social du 9 septembre, le Parlement européen adopta une résolution critiquant ces renvois de Roms roumains et bulgares. Le même jour, le Gisti et la LDH annoncèrent immédiatement leur intention de saisir le Conseil d’Etat en référé pour obtenir la suspension de ces instructions et même de porter plainte contre leurs auteurs Brice Hortefeux et ses collaborateurs pour discrimination raciale et atteinte à la liberté individuelle ». La plainte fut classée sans suite.
Le ministre de l’Immigration, Eric Besson, réagissait en affirmant une nouvelle fois que : « La France n’a pris aucune mesure spécifique à l’encontre des Roms. Notre droit ne connaît les étrangers qu’à raison de leur nationalité (...). Le traitement réservé à ces personnes n’a aucun lienavec leur appartenance réelle ou supposée à la communauté rom ». Pourtant, à huit reprises dans la circulaire du 5 août 2010, le ministre de l’Intérieur prescrivait aux préfets une « priorité » à l’encontre des « Roms » : il n’était jamais précisé la nationalité des « Roms » concernés.
En revanche, ils sont clairement distingués des « gens du voyage » et sont, improprement, rangés dans la catégorie « des étrangers en situation irrégulière » devant, à ce titre, faire l’objet d’une reconduite à la frontière. La circulaire du 5 août visait aussi, et surtout, à ce que les préfets établissent des tableaux statistiques détaillés, dont les modèles étaient en annexe, sur les campements évacués en distinguant, là aussi, entre « gens du voyage » et «
Roms ».
La procédure administrative
SOS Racisme déposa une requête en annulation contre les deux circulaires. C’est au visa de la Constitution «notamment son Préambule et son article 1er» que le Conseil d’état censure la circulaire du ministre de l’intérieur du 5 août 2010. De telles instructions ministérielles heurtent frontalement le principe d’égalité devant la loi « de tous les citoyens sans distinction d’origine (...) ». Un gouvernement républicain peut-il porter une atteinte plus grave à la Constitution que le mépris et l’oubli de son article 1er ? En revanche, rien n’est dit sur les nombreuses mesures d’application de la circulaire. Et comment justifier que des centaines de préfets, illégales et discriminatoires ont pu les relayer et qu’aucun ne se soit opposé à son application ? Une procédure disciplinaire a t-elle été ouverte contre les auteurs de ce texte? Non rassurez-vous son signataire vient de bénéficier d’une belle promotion. A-t-on envisagé d’indemniser les Roms évacués sur le fondement d’instructions discriminatoires?
Serge Slama (GISTI)
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