Guerre d’Algérie : les justes contre la honte

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Dimanche, 16 Décembre, 2012
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« Quand le gouvernement viole les droits du peuple,
l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple,
le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».
(Article 35 de la Constitution de 1793, dite « Montagnarde »)

C’est un pari audacieux que celui relevé par la fédération nationale des Maisons des potes, mercredi 12 décembre. A l’université Paris-8, elle a organisé une conférence-débat sur le thème « Guerre d’Algérie : les justes contre la honte », dressant un parallèle entre les Justes parmi les nations, désignant celles et ceux qui ont mis leur vie en danger pour sauver des juifs durant la deuxième guerre mondiale, et les combattants de la cause anti-coloniale durant la guerre d’Algérie. Pour orienter la réflexion, aux côtés de Samuel Thomas, président de la « fédé », Djamel Benkrid, anthropologue « fils de terroristes », et Tramor Quemeneur, auteur de Algérie 1954-1962 : lettres, carnets et récits des Français et des Algériens pendant la guerre.

Au départ est le parti pris que la guerre d’Algérie est une guerre de libération menée par le peuple algérien, que c’est une guerre contre le colonialisme et, donc, le racisme. Cela mérite que l’on prenne parti. Il y a un parallèle évident entre les résistants français et étrangers qui se sont battus contre le nazisme de 1939 à 1945 et le combat pour l’indépendance algérienne. Ce n’est pas un hasard si les premiers Européens à soutenir les indépendantistes algériens sont essentiellement des anciens résistants tels André Mandouze, un des animateurs de Témoignage chrétien.

Au départ aussi est le constat d’un « effacement des mémoires » dixit Djamel Benkrid, sur les deux rives, de la mémoire des combattants européens engagés aux côtés des Algériens. Le chercheur, né et grandi en Algérie, questionne, provocateur : « Il y a, à Alger, une place Maurice Audin. Mais qui sait encore qui était Maurice Audin ? » Maurice Audin était un professeur, membre du parti communiste d’Algérie, arrêté, torturé et assassiné par les militaires français en raison de son engagement aux côtés du Front de Libération nationale (FLN) algérien. Oubliées aussi les figures d’Henri Maillot, communiste qui déserte l’armée française et rejoint le « maquis rouge » où il meurt les armes à la main en 1956 ; du philosophe Francis Jeanson qui organise le plus important réseau de collecte de fonds en soutien au FLN ; du jardinier Alban Liechti, communiste lui aussi, qui refuse de partir à la guerre et affiche son soutien « au peuple algérien en lutte pour son indépendance » ce qui lui vaut prisons et isolement.

Au-delà de ces individus, Tramor Quemeneur met en lumière un millier de déserteurs, 10 000 insoumis, 400 objecteurs de conscience dans les rangs des soldats français devant partir en Algérie. Il raconte la mutinerie de la caserne Richepanse à Rouen, qui dure 3 jours et à laquelle la population civile apporte son soutien. Il raconte les milliers d’actes anonymes pour retarder voir empêcher le départ des soldats : grues tombées en travers des voies de chemin de fer, béton coulé sur les passages à niveau pour empêcher le passage des trains, familles qui se regroupent pour protéger leurs enfants et ceux des autres dans des tout petits villages de la France rurale. Il raconte encore 350 manifestations contre le maintien ou le rappel sous les drapeaux des soldats pendant la seule année 1955, toutes interdites et réprimées, et dont la plus importante rassemble jusqu’à 10 000 personnes. La succession de ces petits gestes va alimenter la prise de conscience au sein de la société française jusqu’au grand basculement qui, après 1960, verra l’opposition à la guerre d’Algérie devenir majoritaire.

Pour Djamel Benkrid, ces « oublis » ne sont pas fortuits. « La guerre d’Algérie reste un tabou, parce que c’est une souffrance », précise le chercheur. La durée et la violence de la guerre d’Algérie ont aussi procédé d’une vision raciste de la société. L’Algérien, « l »indigène », Arabe ou Berbère, est un « bougnoule », rappelle Djamel Benkrid. « Le bougnoule n’est pas un être humain comme les autres, ce terme renvoie à une forme de dépersonnalisation. Pourtant, ces "inexistants" vont mener et gagner une révolution nationale à vocation universelle ».

Par ailleurs, les combattants de la cause anticoloniale n’ont pas forcément milité après la guerre pour défendre leur combat. Bon nombre sont passés à d’autres causes mais pas seulement. Tramor Quemeneur explique : « Alors que les vaincus : nostalgiques de l’Algérie française et de l’OAS sont très actifs, les vainqueurs : porteurs de valise, militants anticolonialistes, se sont aussi divisés ». Ce constat ouvre la voie à tous les oublis comme celui commis par le président de la République à propos des massacres du 17 octobre 1961 à Paris. Certes, il a reconnu la « répression » et « des morts », sans en préciser ni les auteurs ni la violence.

Or, au regard du nombre de personnes vivant en France concernées directement ou indirectement par la guerre d’Algérie, il est évident que la connaissance des faits permettrait aussi à chacun de mieux connaître les autres. Ce qui contribuerait évidemment que nous vivions bien mieux ensemble. Dans ce cadre, la recherche universitaire fleurit et nous pouvons nous en féliciter. Mais la transmission de la mémoire militante pêche alors qu’elle contribue à générer une conscience politique, au sens propre du terme : « la vie de la cité ».

 

Nathanaël Uhl

Retrouvez cet article sur le blog de Nathaël Uhl, Le cri du peuple.

 

Amel Bensaïd et Samuel Thomas photographiés par Nathanaël Uhl.

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