RASED supprimés = Non-assistance à enfance en danger ?
J'exerce dans un RASED (Réseau d'Aides Spécialisées aux Elèves en difficulté). Un RASED est un dispositif de l'Education Nationale créé en 1990 qui a deux missions pour lutter contre l'échec scolaire : la prévention et la remédiation des difficultés scolaires à l'école primaire. Les RASED ont remplacé les GAPP (Groupes d'Aides Psycho Pédagogiques) qui existaient depuis 1970 mais seulement sur quelques écoles "difficiles" urbaines. En 90, on a donc décidé d'implanter des RASED sur tout le territoire français pour que toutes les écoles puissent faire appel à eux.
Un RASED est composé, au minimum, d’un psychologue scolaire, d’un enseignant spécialisé chargé de l'aide pédagogique et d’un enseignant spécialisé chargé de l'aide rééducative .Pourquoi au minimum 3 personnels différents ? Il suffit d’observer les difficultés scolaires pour voir qu’elles sont de nature et d'origine très variées. De fait ces 3 enseignants spécialisés peuvent apporter des réponses "plurielles" à l'analyse des difficultés et à l'aide dont ont besoin élèves, parents et acteurs éducatifs en charge du suivi de l’enfant. Il faut savoir que le professeur des écoles n'est pas formé à faire face aux difficultés spécifiques. Il est donc essentiel qu’il puisse bénéficier de nos éclairages et de notre accompagnement en vue d’une meilleure compréhension de ces élèves afin d’élaborer conjointement des solutions efficaces et pérennes.
Mais depuis 2008 le ministère de l’Education National a décidé de supprimer une demi-journée de classe. On a imposé aux professeurs des écoles de proposer une "aide personnalisée" de 2 h par semaine, hors temps scolaire, aux élèves en difficulté. Ensuite on a annoncé la suppression des RASED sur 3 ans. Au lieu de la suppression, des 3000 postes d’enseignants spécialisés, annoncée, 1500 se sont vus remerciés. Les 1500 autres ont été sédentarisés sur une ou deux écoles. Conséquences : de nombreuses familles se retrouvent sans aides spécialisées adaptées à leurs besoins. Ces décisions n’ont fait qu’aggraver la situation des familles concernées qui étaient déjà victimes d’une longue attente faute de moyens en personnels formés. En réponse à cette attente, on évoque principalement le fait qu’un RASED couvre des secteurs d'interventions trop étendus surtout en zone rurale. Sur mon secteur de 24 écoles (soit plus de 2000 élèves) je dois faire des choix, des choix d'enfants ! C'est horrible ! Mais là n'est pas le pire ... Le pire, c'est d’imaginer toute cette souffrance que je vois déjà au quotidien dans le regard des enfants et des adultes quand nous RASED n’existeront plus...
Que deviendra-t-elle cette souffrance si elle n'a plus d'espace pour s'exprimer ? En quoi se transformera-t-elle ? Où ira-t-elle se réfugier ? Se transformera-t-elle en violence, en mal être profond ? Bien sûr, les parents peuvent chercher une solution ailleurs (orthophoniste, psychologue privé, Centre Médico-Psycho-Pédagogique ...). Mais qui peut le faire ? Les parents qui ont les moyens financiers nécessaires, ceux qui ont le permis de conduire, une voiture. Et les autres…? De plus, les structures extérieures sont de plus en plus surchargées. Les délais d'attente de prise en charge dépassent parfois un an ! Que vont devenir ces enfants qui n'auront pas eu la chance de naître au "bon" endroit, au "bon" moment?
Ces enfants sont en danger, en danger de marginalisation, d'exclusion. Leur santé physique, psychique est en danger ! Celle des adultes aussi ! Et parce que cela m'est devenu insupportable de collaborer, en me taisant, au démantèlement d'une Ecole Publique de qualité, j'en appelle à vous tous, enseignants, parents, élus, citoyens : défendons ensemble, de quelque façon que ce soit, une Ecole que l’on ne pourra pas accuser de non-assistance à enfance en danger.
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