Entretien « Entre les murs »

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Samedi, 28 Février, 2009
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Loubna Meliane poursuit la discussion après être allée voir "Entre les Murs" avec Mohamed Hussein et Lucas Selves. Débat à chaud à la sortie.


Votre première impression à la sortie du film ?

 

Lucas : C’est une classe de collège comme il doit y en avoir. C’est assez proche de la réalité, moi-même j’étais dans un collège en 6e où ça pouvait déborder un peu, mais pas autant, nous n’étions qu’une simple classe de sixième. J’imagine donc très bien le réalisme de certaines scènes. Mais ça reste un film, donc ce n’est pas totalement la réalité.

 

Mohamed : C’est possible et ça peut également être la réalité, car il y a des collèges où ça se passe ainsi. Mais ce n’est pas représentatif de tous les collèges.

En effet, ça ne part pas tout le temps en bagarre dans une salle de cours. C’est vrai qu’il y a des embrouilles, des disputes avec le prof mais pas au point de sortir du cours en claquant la porte ou qu’un élève se blesse pendant que le prof se fait prendre a partie.

 

Lucas : C’est un peu excessif, tout le long du film, on nous présente une classe qui chahute tout le temps, insolente, dont le niveau est assez faible et sans tête de classe. En réalité il existe une minorité d’élèves qui se comporte de cette façon, même si dans certains collèges, c’est plus dur que dans d’autres. Mais quand même à ce point-là, c’est-à-dire toute une classe, c’est rarement aussi profond.

 

Que pensez vous justement du niveau scolaire de cette classe ?

 

Lucas : Dans le film, au moment du conseil de classe un des professeurs explique que c’est un bon élève avec 13 de moyenne en math. C’est n’est pas un niveau extrêmement poussé surtout pour un élève de quatrième.

 

Mais tu dis ça car tu viens de Paris ?

 

Lucas : Au collège, j’étais à Edmond Michelet, dans le XIXe arrondissement , un des plus gros établissement de Paris. C’est vrai que certaines fois c’était très dur, il y a eu des bagarres entre élèves, certains étaient en grande difficulté mais pas tous. 

Mohamed : Même en banlieue, le niveau peut être plus élevé certains élèves ont 17 de moyenne en math.

 

Quelle  réaction avez-vous eut face à ce professeur ? À votre avis s’y prend-il de la meilleur façon avec ses élèves ?

 

Lucas : D’une scène à l’autre on a des portraits très différents du prof. Au début on a l’impression qu’il connaît bien ses élèves, qu’il a de l’expérience puis finalement lors des autoportraits, on se rend compte qu’il ne les connaît pas si bien, il découvre avec surprise que certains de ses élèves sortent de leur quartier et vont se balader dans le centre de Paris.

 

Finalement est-ce que ce film vous paraît-il positif ?

 

Lucas : Pas vraiment, ça se termine sur un match de foot, classique et l’exclusion d’un élève. Le but du film, c’était de montrer les difficultés, pas de mettre en valeur les points positifs, à part une fois dans la salle  informatique lorsqu’un des élèves montre un peu d’ingéniosité en  faisant son autoportrait sous forme d’album photo.

 

Mohamed : Je ne partage pas cet avis, durant le match de foot, j’avais l’impression que les élèves étaient tous heureux, c’est vrai qu’il a eu l’exclusion mais le prof ne voulait pas que ça se termine ainsi.

 

Est-ce que ce n’est pas juste un problème de communication ? Les élèves se sentent incompris et les enseignants également ?

 

Lucas : La communication est très différente selon le professeur et surtout selon leur âge. Lors de ces premières années d’enseignement, un jeune prof est moins blasé, moins habitué a avoir des élèves dit difficiles, donc il fera plus d’effort pour chercher à comprendre pourquoi ça va si mal. Alors qu’avec un vieux prof le cours sera plus conventionnel du type « Madame » « Monsieur ». Mais dans l’ensemble on arrive à bien s’entendre. Certaines fois, c’est vrai, lorsqu’on a des profs qui n’ont aucune autorité, on leur répond mais  jamais on va les tutoyer ou les insulter.

 

Est-ce qu’il y a une leçon à tirer de ce film ?

 

Lucas : Je n’ai pas l’impression qu’il y ait une leçon à en tirer, ils en font trop, c’est lourd, a chaque fois qu’il se passe quelque chose c’est forcément négatif. La vie de la classe ne tourne qu’autour du cours de Français, seule matière où on les voit évoluer. Pourtant, il n’est pas seulement leur prof de français mais également leur prof principale, mais on ne le voit jamais faire des trucs de prof principale.

 

Ce n’est pas totalement vrai ?

 

Lucas : Il ne prend jamais le temps d’aborder des questions liées à la vie de classe. Par exemple, une heure de débat, d’échange ou une discussion, ça pourrait être bien et je pense que ça changerait leur rapport. 

 

Ça reste un film et le réalisateur à choisit un angle précis.

 

Lucas : En effet, c’est très orienté, mais le réalisateur a choisi un angle plutôt négatif. L’année se passe sans qu’on voit une note positive. J’ai l’impression qu’il n’y  a aucune progression.

 

Mohamed : C’est vrai qu’il n’y a que des embrouilles dans le film, sans moment positif. Pourtant lorsqu’une élève à la fin de l’année va le voir, car à la  question « qu’avez-vous vous apprit cette année ?»  sa réponse était « rien ». Sa réaction à été vaine, il lui a juste dit que ce n’était pas possible qu’elle n’ait rien appris, sans chercher à comprendre ce qui n’allait pas.

 

C’est quoi la journée type d’un lycéen ?

 

Lucas : C’est chiant !!! On se lève tôt car pour quelques-uns d’entre nous on doit prendre les transports en commun. En cours, on est assis, on écoute le prof, on prend des notes, en fonction des cours on participe plus ou moins, on échange. Ça ne se passe pas vraiment comme dans le film, où tout le monde raconte sa vie, même dans les cours où la parole est plus libre, ce n’est pas à ce point-là et surtout ceux qui veulent parler ensemble, s’installent côte à côte pas chacun à l’autre bout de la classe.

 

Si vous aviez la possibilité d’améliorer vos conditions de lycéen, qu’est-ce que vous changeriez ?

 

Lucas : Commencer plus tard !!! (rire)

 

Plus sérieusement ?

 

Lucas : plus sérieusement, ça ne me gênera pas de quitter vers 18/19H mais j’ai un peu de mal à me concentrer entre 8H et 9H.

 

Alors il n'est question que d’horaire, rien à redire sur la méthode d’apprentissage ou autre chose ? Par exemple, dans le film, les élèves apprennent le subjonctif de l’imparfait et ont du mal à saisir l’intérêt d’apprendre cette forme de conjugaison.

Comme eux, avez-vous l’impression d’apprendre des notions qui ne vous serviront à rien plus tard ?

 

Lucas : C’est quand même bien de savoir que ça existe, il n’est pas question de l’apprendre par cœur, juste de faire la preuve qu’on saura l’utiliser quand il le faut. Au collège, on peut avoir l’impression que ce qu’on nous enseigne est déconnecté de la réalité mais pas au lycée car on a choisi une spécialisation. Par exemple, dans le film, en chimie lorsqu’on leur explique que tel produit mélangé à un autre devient bleu, c’est quoi l’intérêt fondamental de cette expérience : rien !!!

 

Mohamed : Mais en histoire, c’est un peu particulier, ça ne va pas forcément me servir plus tard, mais c’est de la connaissance. C’est important de connaître l’histoire ça explique beaucoup de fait actuel.

 

À vous entendre, on a l’impression que tout se passe bien. Pourtant l’année dernière, les lycéens se sont fortement mobilisés. Alors pourquoi ?

 

Lucas : Dans ce cas-là, ce n’est pas ce qu’on apprend en cours qui est remis en question, c’est comment sont agencés les cours qui posent problème. On s’était mobilisé sur cette question parce qu’apprendre dans une classe à 25 ou dans une classe à 35 c’est pas du tout la même chose.  L’an dernier, dans ma classe, on était 33, on parlait tout le temps, sur une heure de cours, on était concentré seulement une demi-heure. Et cette année, nous ne sommes plus que 24 et ça n’a vraiment plus rien à voir.   

 

Mohamed : Moi, cette année aussi, je la vois la différence ! L’année dernière j’étais dans une classe de 20, l’ambiance était au travail, on était efficace sur une heure entière. Cette année nous sommes 35 et c’est très différent, on parle, on discute, on est beaucoup moins concentré.

 

Lucas : Lorsqu’on est  35 dans une classe, le risque d’avoir des élèves perturbateurs est plus important. Dans une classe de 20, il peut y avoir 1 ou 2 élèves perturbateurs, mais vue que les autres ne vont pas forcément suivre, ils ne pourront rien faire. Alors que dans une classe de plus de 30 , on passe de 2 à 5 ou 6 élèves perturbateurs, les autres finissent par se taire, laissent faire comme ça ils sont tranquilles, ils peuvent dessiner, parler ou tout simplement finir leur nuit.

 

Finalement ce n’est pas le fond mais c’est plutôt la forme qui est problématique. Vous venez de prendre en exemple les classes surchargées. Quoi d’autre encore ?

 

Lucas : Il faudrait revoir la méthode d’apprentissage. Il y a un tel écart entre les niveaux des élèves que certains sont complètement largués en cours. Dans la même classe, on peut passer de 4 à 17 de moyenne.

 

Comment expliquer de tels écarts de niveau ?

 

Lucas : Les profs ne peuvent pas s’adapter à tous les niveaux, il faut quand même pouvoir avancer. Par exemple, j’ai beaucoup de problèmes de compréhension en espagnol ou en anglais, je sais bien que je retarde la classe, mais les profs vont trop vite, dictent trop vite. De toute façon ils avancent au rythme de la majorité de la classe, les meilleurs s’ennuient et ceux qui sont en difficulté sont largués.

 

Mohamed : Les profs ont un programme à suivre, donc ils le font. Il n’est pas question pour eux de retarder la classe, sinon année après année on va cumuler les lagunes.

 

Mais comment faire pour se remettre à niveau quand on est largué ?

 

Mohamed : Les enseignants peuvent nous aider plus facilement lorsque nous sommes en demi-groupe ou lors de cours réservé à l’aide individuel.  

 

Lucas : Moi une heure d‘aide individuelle en anglais ça me dirait bien.

 

Comment ce fait-il que d’un établissement à l’autre l’aide individuelle n’est pas mise en place ?

 

Lucas : Tout simplement parce que le lycée de Mohamed doit être placé en ZEP (Zone d’Education Prioritaire).

 

Mohamed : Oui

 

Lucas : C’est pour cette raison qu’ils ont des moyens supplémentaires. Nous à Sophie Germain, le taux de réussite au bac avoisine 97% , on est donc considéré comme un très bon lycée parisien, nous n’avons pas besoin de moyens spécifiques supplémentaires. En ce qui me concerne, il ne s’agit que de problèmes de compréhension, après c’est du travail personnel qu’il faut que je fournisse.

 

Que penses-tu de l’aide individualisée ?

 

Mohamed : C’est plutôt une bonne chose. Lorsqu’on est en classe entière il y a des questions qu’on n’ose pas aborder. En demi-groupe c’est plus facile, il y a plus d’échanges avec le prof et surtout on prend le temps car il n’est plus question du programme.

 

Lucas : Pendant les prochaines vacances scolaires, le lycée doit mettre en place des stages de remise à niveau en langue. Je trouve que c’est une bonne initiative d’autant plus que tout est pris en charge par le lycée.

Pour vous, l’essentiel c’est donc : des classes moins surchargées, plus de travail en demi-groupe pour combler les lacunes…

 

Mohamed : Et des classes plus équilibrées en termes de niveau. Depuis l’année dernière, dans mon lycée, une classe d’excellence a été mise en place, son but 100% de réussite au bac. C’est peut-être une bonne chose pour ses élèves mais qu’est ce que ça signifie pour les autres classes ?

 

Cette rentrée scolaire est marquée par la suppression de plus de 11000 postes. Est-ce que vous en subissez les conséquences ?

 

Mohamed : Oui j’ai bien vue la différence. Comme je l’ai déjà dit, l’année dernière nous n’étions que 20 élèves, cette année nous sommes 35. Et malheureusement, c’est la même chose pour toutes les autres classes, les effectifs ont augmentés.

 

Lucas : Dans mon lycée, il y a trois classes de première ES : une a 37 et deux à 25.

 

Mohamed : Ce n’est pas très équilibré comme effectif. 

 

Lucas : L’année dernière il y avait quatre classes de première ES avec 22 élèves par classe. Nous avions des effectifs bien en dessous de la moyenne académique, il fallait donc les concentrer sur trois classes. On ne peut pas véritablement parler de suppression de poste mais mon lycée était sur doté en professeurs par rapport à la moyenne nationale, il a fallu rééquilibrer. Malheureusement on a sacrifié une classe, même s’il s’agit des meilleurs élèves c’est très difficile de travailler à 37.

 

Comment faire pour permettre à tous les jeunes d’avoir accès aux mêmes chances ?

 

Mohamed : Pour les jeunes de banlieue et ceux qui vivent à paris ce n’est pas exactement la même chose. Lorsqu’on vient du 93, on part avec un handicap.

 

Lucas : Je ne suis pas de ton avis, là par exemple on est dans le XIXe, c’est un arrondissement qui connaît de grosses difficultés. Il ne faut pas réduire Paris au XVIe arrondissement, il existe malheureusement aussi des établissements qui manquent de moyens sur Paris.

 

Il n’a pas tort Mohamed, lorsqu’il dit qu’il part avec un handicap parce qu’il habite le 93.

 

Lucas : C’est vrai, mais il ne s’agit pas seulement du 93 mais également de ses origines, il peut y avoir, et discrimination géographique, et discrimination raciale. Pour en revenir à la question de l’égalité des chances, il faudrait redéployer les moyens de façon plus équitable en renforçant les efforts sur les lycées en difficulté, sans pour autant délaisser ceux qui ont de bons résultats.

 

Mohamed : Pour nous permettre de réussir on a besoin de professeurs expérimentés. Plus un enseignant à de l’expérience plus il maîtrise sa classe. On le voit bien, dès qu’un jeune prof sort de l’IUFM, on en profite, on le teste. On devrait donner une prime aux enseignants expérimentés qui font le choix d’enseigner là où c’est difficile car beaucoup préfèrent une fin de carrière pas trop épuisante.

 

Lucas : La prime ce n’est pas forcément une solution même si tu as raison de dire que les jeunes profs seraient plus efficaces dans des établissements moins difficiles. Ceux qui leur permettraient de prendre plus de temps pour acquérir un peu plus d’expérience et de confiance en soi. Car sans expérience face à une classe de 30 élèves qui n’hésitera pas à les tester, ils vont se sentir un peu isolés. Mais pour moi c’est une façon de casser l’enseignement public parce que ceux qui ont les moyens vont finir par se tourner vers le privé. Alors même que toutes les organisations internationales (type l’ONU) érigent le système scolaire public français en modèle.  Et ça peut être très dangereux de détruire notre système éducatif, on risque de se retrouver dans la même situation que dans les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Angleterre…) où tout le monde va dans le privé et les rares écoles publiques qui restent ouvertes sont les laissés-pour-compte de la société.

 

L’assouplissement de la carte scolaire :  vrai ou fausse solution pour lutter contre l’échec scolaire ?

 

Lucas : À mon avis, c’est une fausse solution, le chef d’établissement pourra choisir ses critères de sélection sans rendre de compte à qui que se soit, il deviendra le seul maître à bord et pour les parents, quel recours s’ils pensent que le refus n’est pas justifié ?  C’est de cette façon qu’on va encore plus ghettoïser l’école. On va avoir des écoles d’élite et les autres.

 

Mohamed : Je viens d’un lycée en Seine-Saint-Denis, alors avoir la possibilité de choisir un autre établissement que celui de mon secteur pourquoi pas ? Mais j’ai vite compris que tout le monde ne pourra pas aller là où il le veut : les places seront limitées. L’assouplissement de la carte scolaire va juste creuser l’égard qui existe déjà entre les lycées car ce n’est pas nous qui choisissons notre lycée mais c’est lui qui nous choisit.

 

Quelle perceptive pour l’école ?

 

Lucas : L’école républicaine se prend beaucoup de coups en ce moment. On veut en faire une école élitiste, où les meilleurs y trouvent leur place, les moins bons gèrent comme ils peuvent, et pour les autres, il ne reste plus que l’enseignement professionnel pour en faire de la main d’œuvre sous-qualifiée.

 

 

Plus d’espoir alors ?

 

Lucas : Je ne dis pas qu’il n’y a plus d’espoir, mais en tout cas les réformes actuelles ne vont pas dans le bon sens.

 

Mohamed : Avant de faire une réforme il devrait prendre notre avis, ça serait plus simple.

 

Lucas : Ce n’est pas parce qu’on est ministre qu’on est qualifié. On peut être expert, avoir fait des centaines d’enquêtes, et n’avoir jamais mis les pieds dans une salle de classe !

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