Education prioritaire : une violence institutionnelle
On parle de violence en ZEP, mais la vraie violence, c'est la violence institutionnelle ! Les moyens se réduisent de plus en plus chaque année. Aujourd'hui, on demande à un enseignant de choisir pour qui ce sera rentable. Avec la politique de ne plus remplacer qu’un fonctionnaire sur deux, le volant d'heures de professeurs supplémentaires alloué aux établissements classés en ZEP diminue chaque année. Alors que ces heures sont essentielles ! Elles nous servent à travailler sur des choses annexes, à raccrocher les élèves. Déjà, il devrait y avoir plus de profs, mais souvent, ils sont sur deux établissements.
Le gouvernement gratte, fait disparaître des heures. Nous devons faire de plus en plus de choix. Les moyens dont nous disposons ne servent qu'à soutenir un élève sur une classe ou un niveau, alors qu’ils devraient bénéficier à tout le monde. On en vient à se demander qui on ne va pas aider. C’est une catastrophe de ne pas réussir à aider un élève.
Nous réclamons d’avoir la possibilité de travailler en effectifs réduits ou avec plus de moyens, pour pouvoir aider tout le monde au sein de la classe et non faire de l’Acadomia pour les pauvres. Nous, professeurs et syndicats, pensons que c’est en groupe que les élèves peuvent progresser. Nous avons besoin de à faire des détours dans les programmes, de mettre en place des ateliers d’écriture pour les sixième afin de travailler autour de la langue, par exemple, d'enseigner les sciences de façon plus approfondie pour les quatrième et favoriser l’expérimentation, soit en classe entière soit en demi-groupe, de faire des sorties culturelles.
Au lieu de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin, on fait semblant de donner plus. En réduisant le nombre de ZEP, en créant de nouveaux dispositifs tous les quatre, cinq ans, qui sont autant d'effet d'annonce. RAR ( Réseaux Ambition Réussite) en 2006, et CLAIR* (Collège lycée Ambition Innovation Réussite) aujourd'hui, la nouvelle génération des établissements les plus en difficulté. Ces réseaux représentent un tiers des établissements classés en ZEP auxquels on verse des subventions supplémentaires prélevées sur l'enveloppe globale des ZEP. Ce qui revient à demander aux établissements en difficulté de donner des moyens aux établissements en très grande difficulté. L'éducation prioritaire est peu à peu abandonnée. On la laisse vivoter.
L’Etat nous doit pour rattraper le niveau d’enseignement dont disposent les autres établissements. Mais le plan est grignoté au fur et à mesure. Malgré quelques heures, d’une façon comptable, nous ne sommes pas traités de la même façon qu’à Paris, par exemple. Les lycées d’excellence sont à Paris. La municipalité, qui est forte, leur fournit des moyens en animateurs, structures... et historiquement, ils sont mieux dotés en locaux.
La ZEP et les zones rurales sont les seuls endroits où un débutant peut avoir un poste avec notre système de mutation. Cela impose soit des difficultés géographiques, soit de travailler dans des zones sensibles. Mais le fait d’avoir de jeunes professeurs peut avoir un double effet. Certes, ils sont moins expérimentés, mais ce sont des établissements qui bouillonnent. Nous ne vivons pas de train-train. Ces jeunes profs ne sont pas encore installés dans la routine. La difficulté rend le travail en équipe obligatoire. Les moyens humains sont là. Ce qui manque aujourd’hui, c’est la possibilité de traduire sur le terrain le travail fait en amont.
Les collèges classés ZEP ont en général la possibilité d’organiser des cours en demi-groupes, de dix ou douze élèves. Cela permet d’individualiser le rapport à l’élève et de faire rentrer dans le cursus ceux qui sont en train de décrocher. C’est un travail inter-disciplinaire intéressant. Mais il serait possible d’avoir encore moins d’élèves par classe si l’Etat y mettait les moyens. Les 30 % en plus, c’est une question de choix et de volonté politique.
François Dukan
(Propos recueillis par Christine Chalier)
Crédit photo : Frédéric Bisson. Certains droits réservés
*Le mise en place du programme CLAIR a été annoncée par Châtel lors de la clôture des « états généraux de la sécurité à l’école » en avril 2010.
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Date :
Les Zones d’Education Prioritaire, les ZEP, ont été créées sous Mitterrand en 1981.
Aujourd'hui :
Selon une étude du Ministère de l’Education Nationale datant de 2009, 15 % du nombre des élèves de primaire/collège sont en ZEP
Indemnités mensuelles :
Directeur d’école : 92 €
Indemnité pour les professeurs des écoles spécialisées: 67 €
Heure supplémentaire année (H.S.A.) (hors professeur des écoles):104€à115€
Indemnité ZEP : 93 €
Indemnité suivi et orientation des élèves (tous les professeurs des lycées et collè- ges hors professeur des écoles) : 97 €
Indemnité de professeur principal : 114 €
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