Pour qu’ils ne renoncent jamais
C’est bien connu, « on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans »[1]. Quand on a dix-sept ans, on a des rêves, des espoirs, des envies, des désirs qui exigent de se réaliser tout de suite, de se concrétiser au plus vite. Dix-sept ans, ce n’est pas vraiment l’âge où l’on planifie, où l’on prévoit pour ne pas avoir à guérir. Souvenez-vous de vos dix-sept ans...
Pourtant si vous avez dix-sept ans aujourd’hui, parfois même moins, notre société « moderne » n’attendra pas que vous ayiez expérimenté, que vous vous soyiez trompé de chemin deux ou trois fois avant de rebrousser et recommencer. Aujourd’hui, cette société dite « moderne » met l’individu de dix-sept, seize, quinze ans en demeure d’arrêter son choix, surtout s’il est du mauvais côté de la marge. Du côté de la marge où on file tout doux rejoindre un monde qui se décline en employés, ouvriers, plombiers, électriciens, climaticiens, secrétaires, comptables… Ceux qui auront choisi à dix-sept, seize, quinze ans, déjà, ce qu’ils seront pour une bonne partie de leur vie.
A SOS Stage, nous les avons rencontré ceux qui ont renoncé. Renoncé à leur avenir, renoncé à s’épanouir dans leur scolarité et encore moins dans leur vie professionnelle. Ils savent qu’ils sont dans le mauvais train, le train qu’ils considèrent aller vers une voie de garage, là où on les a remisé parce qu’on ne savait que faire d’eux. Et c’est bien naturel si souvent ils veulent sauter avant l’arrivée, souvent ils laissent tomber, ne vont plus à l’école, ne veulent plus travailler, deviennent de mauvais élèves. Souvent ils ont oublié leurs propres rêves. Combien en avons-nous rencontré qui, au détour d’un entretien, conforté par une minute d’écoute, un court moment d’intérêt que nous leur prêtions dans leur vie, nous ont confié avoir d’autres rêves. Une Jessica* qui avait trouvé un stage de coiffure chez Jacques Dessange. Un stage qui promettait de se transformer en CDD, en CDI ou en contrat de professionnalisation par la patronne. Une promesse qui n’était pas assez pour la mère de Jessica qui l’a persuadée de rentrer en bac pro métallerie. Un Bernardo qui se faisait refouler de candidature en candidature pour un stage en bâtiment alors que lui voyait sa vie professionnelle toute tracée dans le basket où il excelle encore. Un Franck qui, en cours d’année, souhaite changer d’orientation pour devenir pâtissier, alors que c’est le proviseur qui se « réserve le pouvoir de réorienter les élèves mais seulement en fin d’année », comme cela nous l’a été bien signifié. Pourquoi pâtissier ? « Parce que le père de mon pote a promis de m’embaucher ». En a-t-il au moins envie ? Qu’importe. Tout, du moins autre chose, plutôt que rester sur la voie de garage.
L’urgence : un stage
A SOS Stage, ces gamins nous les aimons beaucoup. Ils nous tordent un peu le cœur, ils nous mettent « les boules ». Qui les écoute, qui les entend ? Ont-ils seulement jamais osé dire ce qu’ils voulaient. Et voilà que soudain, c’est à nous qu’ils le disent avec toute la juvénilité, l’insouciance, et parfois la rage de leur jeune âge. Nous, on les rassure. On les calme. On les apprivoise. On leur dit que peut-être bien, oui, qu’ils sont dans le mauvais train, mais qu’on ne les laissera pas sauter en route et se briser tous les rêves. On leur dit qu’on va les emmener jusqu’à la prochaine gare, là où ils pourront changer de train et que l’urgence aujourd’hui, c’est de se battre, oui souvent se battre, contre le découragement, contre les clichés, pour trouver un stage. Un stage, c’est déjà une expérience. Un stage, c’est une ligne de plus sur son CV. Un stage, c’est un peu plus de maturité, c’est se coltiner le monde professionnel à l’âge où d’autres sont encore « pouponnés » dans des salles de classe chauffées.
Mais ce qu’on leur dit surtout, c’est : « Tu as encore le droit de rêver. »
La rédaction
* Certains prénoms ont été changés
Crédit photo : Neno°
[1] Arthur Rimbaud
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