On n'aide pas assez les jeunes

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Samedi, 28 Février, 2009
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Comment permettre à des jeunes sortis du système scolaire sans rien de trouver un emploi ? Faut-il en passer par une formation ? Tous les jeunes des quartiers peuvent-ils trouver leur place sur le marché du travail ? Autant de pistes évoquées par Loubna Meliane avec François Masson, ancien conseiller en mission locale, qui a préféré jeté l’éponge, et travaille aujourd’hui dans un centre de formation.

Pas forcément « rentable »

Vous avez été longtemps conseiller en Mission Locale, quel bilan faites-vous de ses années ?

J’ai été conseiller en Mission Locale sur Paris pendant six ans. Malheureusement j’ai décidé de partir car c’était trop institutionnel à mon goût. En effet il s’agissait plus d’une politique tourner vers le résultat qu’une politique d’aide aux jeunes. Avant d’arriver à construire un projet professionnel, tu dois aider ces jeunes à gérer leurs difficultés : problèmes de santé, rupture familiale, problème de logement. Il faut les aider à trouver une solution, mais ce n’est pas forcément « rentable ». Malheureusement tu as des jeunes qui sont très loin d’une reprise immédiate du travail parce qu’il faut régler leur situation personnelle avant d’avancer sur autre chose.

Ce n’est pas le rôle de la mission locale ?

Tu peux t’occuper des problèmes de ces jeunes, ce n’est pas un souci mais ce qui intéressait mes supérieurs c’était avant tout qu’un nombre croissant de ses jeunes trouvent un emploi rapidement. Mais la réalité ne nous permet pas de répondre à cet impératif. Les dispositifs mis en place d’accompagnement des jeunes dans le cadre de l’emploi ne répondent pas au public que nous rencontrons. Et comme effectivement il faut quand même avancer sur l’emploi, on sélectionne ceux qui font pouvoir rentrer à moyen terme en formation ou en emploi de ceux dont on sait que ça va être plus long.

Les hommes politiques ont besoin de résultat et du coup, la pression est trop lourde

Mais souvent ses dispositifs s’adressent à des jeunes en difficulté donc le travail doit forcément commencer par là ?

En effet, on a des jeunes dont on sait que le parcours d’insertion va durer deux à trois ans. Mais c’est trop long, les hommes politiques, la direction du travail ou de l’emploi, les élus ont besoin de résultat.

On a donc mis en place des politiques à court terme ?

L’objectif de ces dispositifs, c’est vraiment ça : prendre des jeunes en difficulté et les mettre assez vite au travail. Aujourd’hui, tu as des jeunes qui sont en grande difficulté et parce que tu sais que tu n’auras pas de très bon résultat tu les écartes de ses dispositifs. Le plus dur, c’est la pression qu’on nous fait subir. Grâce à l’informatique, on sait désormais le temps passer avec chaque jeune , la fréquence de nos rendez vous, la durée de nos entretiens et nos résultats en termes d’emploi ou de formation. Tous ses chiffres permettent au directeur de la mission locale d’avoir une vue d’ensemble conseiller par conseiller. Deux fois par an nous sommes convoqués dans son bureau pour faire le point sur ses chiffres. Certaine fois, il n’est pas satisfait de tes résultats alors tu lui expliques que le profil des jeunes que tu reçois - des jeunes à la rue, des jeunes qui ont un problème de santé grave, des jeunes fragiles ou qui vivent des ruptures familiales importantes - complique ta tâche. La vraie difficulté, c’est de faire entendre aux hommes politiques que tous ses jeunes ne font pas pouvoir trouver un emploi tout de suite. Je ne leur jette pas la pierre, du temps, les hommes politiques n’en n’ont pas. Ils doivent rendrent des comptes par rapport à leur mandat. La mission locale devient donc un enjeu politique.

Tout le monde ne peut pas avancer à la même vitesse

Malgré tous les dispositifs, le taux de chômage des jeunes de quartier ne baisse pas ?

Les hommes politiques ont du mal à entendre ça. C’est difficile pour eux. Ils essayeront toujours de minimiser la situation : « ça n’avance pas aussi vite qu’on voudrait ». Mais la réalité c’est qu’ils font pression sur les directions des missions locales sans tenir compte des réalités sur le terrain. C’est pour cette raison que je suis parti, j’en ai eu marre de ces méthodes. Le vrai problème de ces dispositifs c’est la durée. Souvent un parcours professionnel doit se faire en 18 mois, maximum. Mais tout le monde ne peut pas avancer à la même vitesse, pour certains les choses prennent plus de temps.

Les dispositifs ne sont pas si mauvais mais il s’agit plus d’une question de temps ?

Sans la pression qui nous est faite on pourrait mieux travailler. Pour des jeunes en grande difficulté, il faut beaucoup plus de temps. Le délai d’accompagnement est en moyenne de 18 mois. Ça ne me paraît pas adapter à des jeunes en grande difficulté, et malheureusement ils sont nombreux. Il y a une notion de temps qui devrait être prise en compte, mais sur une durée beaucoup plus longue que 18 mois.

Il était devenu éducateur, j’étais fou de joie

Aujourd’hui vous travaillez dans un centre de formation. La formation est-ce pour vous une solution pour lutter contre le chômage des jeunes ?

Oui, c’est ce qui m’apparaît comme une des voies importantes. Lorsque j’étais en mission locale, je répétais sans cesse à mes jeunes notamment à ceux les plus en difficulté l’importance de la formation. Malheureusement, leur priorité c’était l’emploi comme unique solution pour subvenir à leurs besoins. Ce que j’ai constaté c’est que les jeunes qui rentraient sur un parcours de formation sont ceux qui avaient déjà bien galéré. Sortis de l’école à l’âge de 16 ans sans rien ou pas grand-chose, avec des formations souvent inachevées, tu les revoyais vers 22/23 ans, fatigués des petits boulots et voulant apprendre enfin un métier. C’est à partir de ce moment-là que tu peux parler de formation. Tu as beau dire c’est quand même mieux d’avoir une formation. Il est vrai qu’un jeune trouvera toujours un peu à faire, à travailler. Pour un adulte sans formation trouver un emploi devient plus compliqué.

As-tu bon espoir pour les générations à venir en termes d’emploi ou de formation ?

Malgré les pressions en termes de résultat, je faisais mon travail le plus consciencieusement possible en amenant le plus de jeunes à bouger et à sortir de la précarité dans laquelle ils étaient. Heureusement dans le cadre d’un suivi régulier tu arrivais à faire évoluer les situations. Mais tout dépend aussi de l’investissement personnel des conseillers mission locale parce que c’est un travail difficile, lourd. Mais je pense que ça vaut le coup, tu ne réussis pas partout, mais quand tu y crois les choses avancent. J’ai eu l’occasion de rencontrer des jeunes dont le parcours fut finalement une réussite. Je me souviens, je m’occupais d’un jeune issu d’un quartier sensible, il avait été sorti de l’école assez jeune. Il voulait devenir éducateur, j’avais commencé avec lui à voir au niveau des centres de formation, je l’avais orienté sur un stage pré-qualifiant qui préparait au métier de moniteur- éducateur. Il était parti là-dessus et ensuite je n’ai plus eu de nouvelles. Un an et demi après il est venu me voir, je ne m’y attendais pas du tout. Je lui ai demandé ce qu’il devenait et là il m’a raconté qu’il avait terminé son parcours de formation, il était devenu éducateur. J’étais fou de joie. Finalement des exemples comme celui-ci il en existe beaucoup d’autres. S’il n’y avait pas eu ces parcours de réussite, je n’aurais pas tenu aussi longtemps.

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