Le Gâchis de la Mal-Orientation
On n'est peut-être pas sérieux quand on a 17 ans, mais on a des rêves, parfois, qu'on croit pouvoir rattraper un jour. C'est le cas de Noémie. Elle aura 17 ans à la fin de l'année scolaire. Elle est souriante, pleine de vie comme on dit. Et elle est sûre de ses choix. En gros, pas désespérée pour un sou, si cette année elle est élève en secrétariat dans un lycée pro, une année perdue ? C'est pas grave : elle est de passage. Et rien que de passage. Oui, Noémie, elle, ce qu'elle veut faire ? C'est devenir coiffeuse. Mais, qu'est-ce qu'elle fait ici alors ? « J'ai été mal orientée ».
Une fois, deux fois, trois fois, un nombre incalculable de fois, quand on demande à un élève s'il a choisi d'être là, il ou elle répond : « c'est pas ce que je voulais faire ». C'est pas moi. Noémie n'est pas un cas isolé. La mal-orientation est un fléau aussi grand que la malbouffe, et son indigestion fait parfois plus mal au ventre. Les yeux qui pétillent de Noémie quand elle parle de son futur salon de coiffure imaginaire n'enlèvent pas le sentiment que les larmes qui viendront un jour ---- auraient pu être évitées il y a longtemps. Mais elle garde espoir, assure-t-elle : « Je ne vais pas rester ici, l'année prochaine, je change de voie, je me remets sur mon droit chemin».
L'administration aime-t-elle couper les cheveux en quatre ? En tout cas, il y a des jeunes élèves qui se retrouvent sur des chemins tortueux comme un cheveu sur la soupe. C'est le cas de Jackson. « Je voulais être basketteur ». En France, contrairement aux Etats-Unis par exemple, le sport n'a pas bonne réputation : faire carrière dans le sport ou ne serait-ce qu'avoir de bonnes notes en éducation physique n'est pas si valorisant que ça au premier abord. Alors, sa famille lui a « demandé ce qu'il voulait faire plus tard ». Mais, pour un élève de lycée pro, « plus tard » c'est plus tôt qu'ailleurs. Il a fallu faire vite, choisir tout de suite sa carrière professionnelle, la grande partie de sa vie professionnelle à... 15 ans. Jackson a répondu : pâtissier. Très bien. Mais pourquoi veux-tu en faire ? « Parce que je connais le père d'un pote qui est dedans... ».
Jackson s'est retrouvé en plomberie. Oui. Même s'il avait coché la case « carrelage ». L'administration qui récupère ces cheveux sur la soupe tente de remédier à ses errements. Au lycée pro de Nicolas Ledoux à Pavillons sous-bois, par exemple, le proviseur se « réserve le pouvoir de réorienter les élèves en fin d'année ». En attendant, il faut espérer que les Noémie Coiffeuse et les Jackson Basketteur connaissent cette pensée d'Oscar Wilde : « La sagesse, c'est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit ».
La rédaction
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