Florence Aubenas : de la prise d’otage politique à la prise d’otage sociale

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Lundi, 16 Août, 2010
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Comment vit-on en France aujourd'hui, quand on a un revenu inférieur au Smic, voire pas de revenu du tout ? Pour le savoir, Florence Aubenas quitte temporairement sa famille, ses amis et son emploi de grand reporter, au Nouvel Observateur, pour vivre pendant 6 mois dans la France de tout en bas.

Florence Aubenas a pris le parti, quand tout le monde a commencé à parler de la crise en 2009, d’aller la toucher du doigt, non loin de Caen, en se mettant dans la peau d’une demandeuse d’emploi sans qualification tout en gardant son identité. Un reportage de six mois qui l’emmènera faire des ménages, brosser les chiottes et vider les poubelles, sans qu’apparaisse dans son livre une touche romanesque ou quelconque tricherie avec la réalité. Très modestement, elle rappelle qu’elle n’est pas la première à se lancer dans l’aventure, d’autres l’on fait avant elle en se glissant dans la peau d’un SDF, d’un noir ou d’un immigré turc comme l’allemand Guenther Wallraff, auteur de Tête de Turc en 1985. Mais comme les autres écrivains-journalistes qui ont choisi cette façon authentique de témoigner, à travers cette méthode que l’on appelle journalisme d’infiltration, Florence Aubenas a littéralement plongé dans la précarité, le dénuement, la crasse, le froid, la fatigue des horaires impossibles qui s’enchainent, sans dormir des nuits complètes, dans la solidarité populaire aussi, pour être un fidèle témoin d’une époque rongée par la crise.

La journaliste s’était donnée comme aboutissement du reportage un CDD de quatre mois qui finalement durera six mois, le comble étant que ce contrat lui proposait de travailler deux heures et demie de ménage par jour sur cinq jours. Cette fin « heureuse » n’enlève en rien à la dureté du parcours et donne même de la consistance à cette galère dans laquelle est plongée cette France précaire, mal payée, mal nourrie et mal logée…Cette France prête à tout pour s’en sortir, pour survivre, même en dessous du smic, et qui remercie quand on lui donne un travail qui vous brise les reins, en la payant une heure pour deux heures effectuées.

Ce livre immerge son lecteur dans une course éperdue : du Pôle emploi aux stages de formation en passant par les agences d’intérims ; des agences de placement aux entretiens d’embauche répétitifs et décourageants ; d’un travail à l’essai à un remplacement sans jamais s'arrêter. Mais le ton n’est jamais misérabiliste, c'est un merveilleux mélange d’humour et d’humanité, les personnages réels ont une répartie qui dépassent le roman, comme cette vieille femme de ménage, Fanfan. Autrefois syndiquée, elle livre à Florence Aubenas ses démêlés avec ses camarades, c’est elle aussi qui lui expliquera que pour diriger la section des “précaires” qu’elle a aidé à organiser, il est préférable d’embaucher un diplômé, car comme Fanfan dit “on ne peut quand même pas envoyer une caissière ou une femme de ménage aux réunions ! ”. Le mépris pyramidal, celui d’être au-dessous de tout (Ganz Unten), elle le décrit avec minutie.

Perfectionniste, Florence Aubenas l’est par le verbe, détourner le manque de mots qui lui sont nécessaires pour décrire ce qui se passe là sous ses yeux. Ce sera donc au détour de métaphores et d’effets poétiques que la journaliste réussira à trouver les clés d’un langage ordinaire qui vous immerge dans une partition mélodique, délicate et imagée. Une œuvre qui rappelle le croisement social, l’ultralibéralisme, une mise en abyme d’un Etat dépassé.

Nadjib SELLALI

« Le quai de Ouistreham » de Florence Aubenas Prix Joseph Kessel 2010

Editions de l’Olivier - Publication : 18/2/2010

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