« Suspect malgré lui »
"Is he on our watch list ?" demande l'agent, un doigt soupçonneux pointé vers moi. Rapide vérification sur son ordinateur : non, je ne suis pas "sous surveillance". Juste suspect. Bienvenue à Houston, Texas, USA, terre d'accueil et de liberté… sauf pour les basanés. Dire que je ne suis là qu'en transit. Destination finale, le Guatemala, où je vais passer un mois avec mon amie, notre avion pour Guate City décolle dans quelques heures. Comptoir de l'Immigration. Un officier feuillette nos passeports, vérifie nos billets de retour, pose quelques questions de routine, prend nos empreintes digitales et une photo numérique. C'est bon? Non.
"Venez avec nous, s'il vous plaît". Je me retourne : c'est un molosse, la main sur son arme de service, sous le regard incrédule de mon amie, il m'entraîne dans un local à l'écart, sécurisé et gardé. Nous sommes une dizaine, silencieux, inquiets. Un Marocain, un Philippin, une Mexicaine et ses trois enfants, un couple de Sud-Américains. Aucun Blanc.
« Où êtes-vous nés? Et vos parents? Et vos grands-parents ? »
Les minutes passent, l'angoisse monte : Quel est le problème ? Vont-ils me garder ici ou me renvoyer en France ? J'ouvre un roman, relis 20 fois la même page. « Mr R…? » On me conduit dans une pièce spartiate au miroir sans tain. Mon Jack Bauer porte une moustache, il a l'air sympa mais derrière le sourire commence l'interrogatoire.
« Où êtes-vous nés? Et vos parents? Et vos grands-parents? ». Je reste calme, réponds poliment dans mon meilleur anglais. « Quels pays avez-vous visités ? Pourquoi ? Qui a payé vos billets d'avion ? En carte ou en espèces ? Combien d'argent vous avez, là, sur vous ? ».
Les questions s'enchaînent, les pièges aussi. « Votre père est né à Paris, c'est ça? ». Non, Alger, je vous l'ai déjà dit deux fois. « Et vous avez acheté les billets en espèces? » Non, en carte… Impassible, Jack Bauer pianote sur son ordinateur. Soudain, il se lève : « c'est bon, vous pouvez y aller ». On me ramène dans le hall, sonné. Deux heures ont passé. Je retrouve ma copine, en pleurs. Pour se remettre de nos émotions, on part fumer une cigarette à l'extérieur de l'aéroport. Un immense panneau nous accueille : George Bush Intercontinental Airport. Tout s'explique…
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