Des camps de concentration en Algérie ?
La guerre d’indépendance d’Algérie, c’est 1954 – 1962. Des attentats de la Toussaint Rouge du 1er novembre 1954 aux Accords d’Evian du 18 mars 1962. Mais l’année 57 est cruciale. Non seulement l’emploi de la torture par l’armée française devient systématique. Mais la France se donne la possibilité de recourir à « l'internement administratif collectif ». Sur le territoire français, comme dans le Larzac, et ailleurs, mais en Algérie aussi, l’armée crée des camps de regroupement. L’objectif avancé, c’est de couper l’herbe sous le pied de la guérilla du Front de Libération Nationale (FLN), ses bases arrières, ses moyens logistiques, en créant des « zones interdites », interdites à tout ce qui bouge sous peine de se faire tirer dessus sans sommation. Dans ces camps de regroupement sont amenés de force, puis parqués : plus d’un million de villageois. Tous, sous la surveillance de l’armée française, regroupés dans ces villages de tentes. Cependant, incroyable mais vrai, jusqu’à aujourd’hui, ces « camps de la Honte », qui disqualifient la France au regard des Droits Humains, ont été oubliés par le grand public.
C’est Michel Rocard qui révèlera l’horreur de ces « camps de concentration » à la française. Aujourd’hui, il précise qu’il n’a jamais parlé de camps de concentration, ni de « camps de la mort ». Ces camps de regroupement « ont été des camps du malheur ». A l’époque, cet ancien dirigeant des jeunes socialistes a 28 ans. Dès 54, ce fils de résistant se prononce pour l’indépendance de l’Algérie. En 58, Michel Rocard, élève à l’ENA devenu inspecteur des finances, alors en stage en Algérie, va mener la première enquête sur les regroupés. Le 17 février 1959, il remet au délégué général en Algérie son rapport qui décrit une situation indigne. Le cabinet du garde des Sceaux du gouvernement de Michel Debré, Edmond Michelet, sous la forme d’une « fuite », en informera la presse. Furieux, Michel Debré demandera en vain en conseil des ministres sa révocation. De toute manière, c’est trop tard : « un barouf médiatique » est lancé, se rappelle Michel Rocard. Le 16 et le 17 avril, l’hebdo France-Observateur (futur Nouvel Observateur) puis Le Monde du 18 avril, publient des extraits de ce Rapport sur les camps de regroupement qui pointe le caractère particulièrement inhumain de ces détentions.
Populations déportées
Selon Michel Rocard « 500 enfants meurent par jour », faute de nourriture. Manque de soins. Manque d’hygiène. « Mon avis, c'est que sont mortes de faim 200 000 personnes et en majorité des enfants » dans ces camps. Ceux-là sont éloignés des champs. Les populations déportées ne peuvent plus rien cultiver, ni rien élever. « Le regroupement affecte les paysans les plus démunis, des femmes et des enfants sous-alimentés. La situation alimentaire est donc préoccupante dans la quasi-totalité des centres de regroupement. Des moyens d’existence doivent être à tout prix fournis à ces populations pour éviter que l’expérience ne se termine en catastrophe. » Une campagne d'opinion voit le jour. « Il y a eu un déblocage de crédits de 100 millions de nouveaux francs ». Les conditions des camps sont améliorées. « Un peu de soins médicaux » et les vivres arrivent. Michel Rocard a sauvé ainsi des centaines de milliers de vie.
En 1961, au total, un tiers de la population rurale s’est retrouvé dans les camps : près de 2 millions. Beaucoup y sont demeurés après l'indépendance. Après les Accords d'Évian de 1962, sur le territoire français, afin de les accueillir, c’est au tour des Harkis d’y avoir droit.
dolpi
Rapport sur les camps de regroupement et autres textes sur la guerre d'Algérie, Paris, Mille et une nuits.
Une Historienne Algérienne de Ben Salama, Electron Libre, France 5
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