Interview : Marie-Pierre Martinet , quel avenir pour l'IVG?
Pourquoi devient-il de plus en plus difficile de pouvoir pratiquer une IVG ?
Marie-Pierre Martinet : Il y a un croisement de plusieurs facteurs. Tout d’abord de moins de moins de médecins pratiquent l’IVG, sous couvert de la clause de conscience. Celle-ci peut être invoquée pour deux raisons : soit par manque de compétences soit parce que contraire à l’éthique. Tous ne refusent pas forcément pour des questions éthique mais parce qu’ils ne savent peut-être pas faire. En effet, dans le cadre de la formation initiale, on parle de l’IVG non pas en tant qu’acte mais sous les conséquences post-chirurgicales. Ils n’apprennent la technique que durant leur internat. De fait , vous avez un vivier de personnes pratiquantes qui diminue avec le départ à la retraite des médecins et le fameux numerus clausus. Vous ajoutez à cela, le fait que l’acte chirurgical n’est pas rémunéré aux structures hospitalières au même montant qu’un autre acte à technique équivalente, soit une « rentabilité » inférieure. La conséquence, c’est un temps de bloc réservé à l’IVG moindre assorti d’une réalité territoriale extrêmement diverse. Par exemple, il est plus compliqué de pratiquer des IVG en Ile de France qu’en Rhône-Alpes où les délais d’attente sont moins importants.
Comment expliquez ces disparités ?
MPM : Il faut peut-être mettre en regard les possibilités et la demande. Par exemple, c’est en Ile de France et en Paca que le nombre d’IVG réalisées est le plus important. Pour avoir une réelle comparaison, il faudrait pouvoir arriver à savoir sur le nombre de grossesses non désirées combien ont pu avoir accès à une IVG et combien n’ont pas pu y avoir accès.
Que constatez vous sur le terrain ?
MPM : La loi de 2001 a prolongé de deux semaines la possibilité d’avoir recours à une IVG. On est passée de 12 semaines d’aménorrhée, à 14 semaines ou de 10 semaines de grossesse à 12 semaines. Il faut savoir qu’un certain nombre d’établissements hospitaliers ne vont pas jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée.
Dalila Touami : Au regard du nombre de centre d’IVG, il y a une offre peu importante par rapport au nombre de personnes qui souhaitent faire des IVG. Deuxièment, les structures hospitalières qui pratiquent les IVG mettent en place des quotas.
Il faut encore aujourd’hui insister ?
Dalila Touami : Il faut convaincre. L’IVG n’est pas considérée comme une urgence en France. Pour ces femmes peut-être mais pas du point de vue de la loi. Par exemple, elles ne peuvent pas invoquer le faite qu’elles sont à la limite des délais pour avorter.
MPM : Pourtant en République Tchèque, c’en est une. En France, la notion d’urgence est liée à l’enjeu sur la vie.
DT : De plus en plus d’hôpitaux sont sectorisés. Si vous n’êtes pas de la ville, on ne vous prend pas en charge.
Quelles solutions pour toutes ces femmes ?
DT: l’IVG médicamenteuse est une solution si cela reste un choix. Elle devrait être, largement, ouverte aux médecins de ville. C’est un geste tout à fait simple. Il s’agit de prendre deux comprimés que l’on obtient sur prescription. La présence du médecin est nécessaire au cas où il y aurait un problème comme pour n’importe quel autre acte. D’ailleurs, il y en a très peu, c’est vraiment minime.
MPM : Aujourd’hui 46% des IVG se font par voie médicamenteuse. Depuis le mois de mai 2009, les centres de planification sont autorisés à les pratiquer sous réserve de l’accord des Conseils Généraux.
Propos recueillis par Loubna Meliane.
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