Les Profs : les nouveaux couteaux suisses de la République

Dolpi : Afin d'établir ENFIN une égalité de traitement entre les établissements en ZEP et les autres, la Fédération Nationale des Maisons des Potes propose 30% de profs en plus dans les ZEP, ce qui réduira entre autres le nombre d'élèves par classe. Madame Nacera Senaïci, vous, vous êtes professeure depuis 10 ans en lycée pro, quel est selon vous le principal avantage dont vous jouissez ?

Nacera Senaïci : Je suis âgée de 45 ans, j'enseigne au lycée professionnel de Colbert de Tourcoing dans le Nord. J'y suis professeure d'atelier en prothèse dentaire. Ca fait 10 ans. J'accueille des élèves venus de l'Aisne, du Pas-de-Calais, de la Somme, des Ardennes. Pour ces départements, il y a 15 places/an disponibles pour 60 à 75 candidats. 15 élèves en atelier seulement. En cours théorique : ils ne sont que 25.

Dolpi : Il arrive que l'on constate une démotivation chez les professeurs, qui se traduit par une perte d'optimisme, à quoi cela peut être dû ?

Nacera Senaïci : Vous savez, quand on entre à l'Education Nationale : c'est par vocation. On a tout intérêt à rester optimiste. On peut continuer d'essayer, si on n'a pas cette lumière derrière nous, c'est là que ça devient compliqué. Avec ma collègue, on a une devise : les jeunes doivent être à l'aise, même si ça doit prendre du temps. Ya pas de fatalité. Même si on a des échecs, faut se relever. La démotivation, s'il y a ? C'est pas dû au public. Mais plutôt aux charges de travail. Aux enseignants ? On leur en demande de + en +. Et aussi d'être polyvalent.

Dolpi : Comme des couteaux suisses ?

Nacera Senaïci : Oui, exactement. Comme des couteaux suisses ! On oblige les enseignants à avoir de la polyvalence : mathématiques, électronique. On fait de la pédagogie, du social, on est infirmier, un peu tout... Mais la solution est de toujours montrer ce qu'on aime, ce qu'on fait. De montrer qu'on est content de ce qu'on fait.

Dolpi : Chaque année, 200 000 élèves ressortent du système scolaire français sans obtenir un diplôme ou une formation, peut-on espérer que cela change, et comment ?

Nacera Senaïci : Vu les conditions, j'émets des doutes. Avec le peu de moyens qu'on a, on met la barre trop haut. Faut pas se leurrer. On a de moins en moins d'enseignants et moins d'heures. Le cadre administratif subit tout autant. L'école, c'est devenu comme une entreprise, et on peut pas faire son travail d'enseignant dans ces conditions.

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