Le plaisir de transmettre
Il a sillonné pendant neuf ans la Seine-Saint-Denis en tant que maître auxiliaire, a connu tous les genres de postes. Il a parfois remplacé des profs en dépression. Même dans les moments les plus difficiles, il a gardé la conscience d’être face à des enfants. « Dans ces moments-là, on doit assumer le fait qu’on est avant tout éducateur et pas simplement prof. Il faut savoir prendre le côté psychologique des choses. »
Si Jean-Luc Raharimanana approuve la revendication de la Fédération Nationale des Maisons des Potes d’ajouter des profs dans les ZEP, il insiste néanmoins sur le fait que, plus qu’une question de rémunération, il s’agit d’une question de formation et de choix. « Les jeunes professeurs n’ont pas le choix. Souvent c’est dramatique. Ils ne s’attendent pas à ça. » Cependant, l’écrivain repousse l’idée qu’aucun professeur ne veut enseigner en ZEP et que la banlieue agirait comme un repoussoir. « Certains veulent y rester. Moi-même je n’avais pas d’envie particulière de voir autre chose. Beaucoup de ces élèves sont brillants et il y a un plaisir à leur enseigner car ils ont des choses à dire, qui les amènent à réfléchir sur leur identité, sur l’image que la société à d’eux. »
Des enfants avant tout
Pour Jean-Luc Raharimanana, il faut démystifier la banlieue et désamorcer les préjugés qu’elle véhicule. « Ce sont des enfants avant d’être des banlieusards ou des exclus... Certes ils subissent des exclusions mais il y a aussi des élèves qui ne se sentent pas bien dans cette manière d’enseigner, dans ce qu’on leur propose. Que l’administration commence à se remettre en question sur son approche des banlieues, ce serait un pas important. » Ayant lui-même quitté son île natale pour poursuivre ses études en France, l’écrivain se montre attentif à leur ressenti. « Les parents de ces enfants-là ne leur parlent pas beaucoup de leur double culture, ou de l’école tout simplement. Ce n’est pas seulement la question du savoir qui est en jeu mais la question de l’intégration, de l’accueil de l’autre, d’une autre culture même s’ils ne savent pas toujours que ça joue sur leur propre identité. »
Si sa carrière d’enseignant en Seine-Saint-Denis est désormais derrière lui, Jean-Luc Raharimanana continue d’éprouver le plaisir de transmettre. Au travers de ses pièces d’abord, mais aussi par le biais d’ateliers d’écriture. « C’est un énorme plaisir. Il n’y a pas de différence pour moi entre ce genre de public en difficulté et des publics qui n’ont rien à voir avec mon parcours, ma culture. Il s’agit toujours d’allumer dans les yeux de l’enfant une sorte de lueur qui dit « Oui j’ai compris quelque chose ». Il faut transmettre. »
Christine Chalier
Crédit photo : Thierry Hensgen / Institut Français.
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