Le désengagement qui rend Zéro
Un lycée professionnel est un terrain fertile pour la démotivation. Pas seulement pour les élèves qui y viennent, souvent mal orientés, ou déjà habités par un fatalisme qui vous coupe l'herbe sous le pied. Pas seulement pour ceux qui reçoivent un enseignement, mais aussi pour ceux qui le délivrent. Rares sont ces professeurs qui ne semblent pas avoir le visage dessiné par des traits tirés par l'ennui, la lassitude, ou je ne sais quel autre argument pour justifier un certain désengagement.
« Nous n'avons pas les moyens ». C'est l'argument réitéré plus d'une fois quand on s'arrête dans la salle des profs autour d'un cappuccino. L'échec est la faute à ce Deus ex machina qui ne donne pas ou ne donne plus à ses agents en premières lignes, les moyens d'affronter les réalités du quotidien. L'argent ? « Oui, c'est le problème, mais pas seulement... ». Les yeux dans les yeux, le temps du déjeuner autour d’un verre suffit à peine pour m'expliquer, précise-t-il, l'étendue du problème. Mais Monsieur Linoux résume : « les moyens ne sont pas suffisants, d'un côté on nous donne bien plus de charges, et de l'autre on nous retire les moyens de les assumer ! ». Du coup, c'est le temps qui est compressé (et les élèves avec). Qui doit faire faire les CV ? De plus en plus souvent, les professeurs sont soutenus par les « dames du CDI » et autres assistants pédagogiques.
C’est dans leur contrat de donner du temps, mais force est de constater qu’ils l'utilisent pour autre chose : « je n’ai pas le temps, j’ai des dossiers à remplir… » me rétorque un autre professeur à l'heure du café, avant de me confier un élève. Une journée-type d'un professeur est de courir tout le temps. De sa salle de cours à une salle de réunion. Parfois même, en dehors du lycée. Le turn over dans les lycées professionnels est important.
Il est rare, comme au lycée Denis Papin à La Courneuve, de rencontrer une équipe quasi stable depuis sept ou huit ans. Ailleurs, le dossier de l'élève passe chaque année dans des mains qui découvrent l'élève. C'est un inconvénient pour l'élève qui ne se sent pas « suivi », et c'est un inconvénient pour le professeur qui doit tout refaire. La plupart du temps, chaque année, dans un lycée professionnel : ça repart à zéro.
La rédaction
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