Culture »
M.A.P : Le ministère politiquement incorrect
A ceux qui ne le savent pas encore le « M.A.P est une photographie de quartier », au flow « d’ prolo » métissé, complètement libre et indépendant. Le Ministère des affaires populaires est un symbole fort qui n’a pas attendu qu’on lui cède la place pour investir l’espace scénique français, européen et même palestinien. Venus des quartiers de Lille et Roubaix, HK (MC) et Saidou (MC) entouré d’Hacéne (Violon), Stranko Fat (Machines) et Jeoffrey (Accordéon) proposent une musique qui ouvre le champ culturel français et les horizons étriqués. Tous issus d’origines et d’histoires différentes, Saïdou nous rappelle que l’identité musicale des MAP en est la synthèse. « Un mélange de musique orientale (je dirais même algérienne), mélangée à de la musique (on va dire…) « franco française » symbolisé par un accordéon aux accents nomades histoire de pimenté le voyage », auquel s’ajoute des machines parce qu’ils se revendiquent de la culture Hip Hop et qui les contredira ? Ces saltimbanques au naturel généreux, n’hésitent pas une seconde à communiquer leur envie de partager avec le public. Leur crédo ? Une conception musicale festive qui invite à la mise en scène et au spectacle. Leurs concerts allient aisément l’image d’un réalisme social en lutte, à la noblesse du burlesque. « Notre musique est riche parce qu’on a une identité qui est riche, on a une histoire qui est riche, on a un vécu qui est riche, on n’a une union qui est riche. L’union des M.A.P vient de l’idée de faire une musique qui est complètement assumée et décomplexée. C’est le fruit de notre histoire et de notre quotidien. Parce que « qui nous sommes ? » c’est cette question qui est fondamentale ! » A l’heure où on nous parle d’identité et que l’étranger puisse être un risque pour l’identité nationale, les MAP propose une musique qui est au final en parti représentative d’une identité nationale réaliste, faite de mélange et de diversité culturelle. Le Ministère des Affaires Populaires à travers ses concerts n’hésite pas à offrir au spectateur une série de tableaux d’actualités ramenés à l’histoire de la classe ouvrière française…avec son avenir en ligne de mire.
C’est le poing levé que les MAP avancent encore et toujours, d’après Saïdou «dans les quartiers ce n’est pas la misère qui nous fera perdre notre coté festif bien au contraire pour nous c’est une force ! Dans mon quartier, dans ma vie de tous les jours, je suis respectueux des cultures, des origines de chacun et je crois que c’est quelque chose d’évident dans les quartiers. De mon point de vue les problèmes viennent d’en haut, et c’est plutôt là que ça se situe ». Car Saïdou martèle « qu’aujourd’hui on vit malheureusement sous la tutelle d’élite politique et finalement culturelle et ça on le dénonce. Ils ont verrouillé le système et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui on est dans la redite, dans la réplique, dans un mécanisme de discrimination historique, qui est à mon avis un réflexe colonial ».
C’est le cœur forgé bien à gauche que Saïdou nous révèle son analyse traduite dans le titre « Dégage » entre autre…« il y a toujours des partis politiques, qui se battent pour la diversité, qui te parle d’égalité des chances etc.… La Gauche par exemple nous parle toujours d’égalité, de justice pour tous et quand arrive les élections, que c’est le moment de constituer un futur gouvernement, qui nomme-t-on ? ». Sans hésiter Saïdou profite de l’occasion pour mettre en avant un sujet sensible à Gauche, mais partagé par un bon nombre de jeunes et moins jeunes français « il y a des personnes issus de l’immigration qui bossent pour eux, qui distribuent des tracts sur les marchés, mais qui se retrouvent rarement en tête de liste, et encore moins à la tête d’un ministère…» Suite à ce dénie d’égalité exposé en toile de fond, il conclut en rappelant que « Ces militants sont cantonnés a être ce qu’ils sont des : dominés asservis à une élite, ça c’est mon constat ». Côté public ce qui est sûr c’est que leur musique rassemble. Il est fait de jeunes et de moins jeunes, de toutes les couleurs et de toutes confessions « Il est large et diversifié notre public (…) des gens qui ont une conscience politique ». En bref, un public à leur image qui revendique une identité mixte sans renier la culture de leurs parents et la culture « Ch’ti mi » dont ils sont si fiers. Héritiers direct d’Azem, Beranger, Brassens ou encore El Harrachi, Saïdou et le Ministère des Affaires Populaires mettent le doigt là où ça fait mal avec la finesse de la révolte éclairé.
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