Prophète en son pays
Encensé pour son scénario génial et intelligent, pour son interprète principal solaire, angélique et démoniaque, Un Prophète marque avant tout la critique parce qu'il est un film de genre que l'on a peu l'habitude de voir au cinéma, le film en milieu carcéral. C'est cet univers violent, sale, où l'humanité le cède souvent à l'humiliation et à la soumission, où la sexualité est par nature dévoyée, que le réalisateur tente de créer ou de retranscrire avec une force qui pique les yeux. Voir Un Prophète est aussi une épreuve pour le spectateur.
Si le film est traité sous la forme d'un parcours initiatique qui verra le personnage sortir plus fort de l'épreuve de la prison, le "conte de fée" s'appuie aussi sur des éléments de la réalité indéniables. Au début du film, le jeune Malik arrive en centrale. Il a 19 ans et il en a pris pour six ans. A aucun moment le spectateur n'est renseigné sur la cause de son incarcération. Autre détail, le jeune homme est analphabète et sans famille, sans soutien. Probablement sans avocat. Si le film conte une histoire sans morale à travers l'accession d'un délinquant au rang de caïd, il explique aussi la machine à broyer les vies qu'est la prison. Plus les délinquants juvéniles sans soutien et mal défendus par des avocats mal rémunérés iront en prison, plus nos prisons en feront des professionnels du crime.
Christine Chalier
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