Mémoire »
Des deux côtés des rives
La vieillesse les a rendus visibles, venus après guerre
A la demande du patronat et du gouvernement,
Immigration organisée pour reconstruire la France.
Dans les mines, dans le bâtiment, déroulant les routes de goudron
Le corps secoué jusqu’aux entrailles
Par le marteau piqueur,
Et quand venait la nuit dans le bidonville, et plus tard
Dans les chambres du foyer qu’ils ont construit,
Certains continuent à entendre ce corps usé qui réclame qu’on s’en occupe.
Toutes ces années
Des deux côtés des rives, j’ai pris le nom
D’immigré.
Je fais toujours l’actualité, je suis présent dans les journaux, à la télévision, à l’assemblée du peuple, le président de la République me cite souvent dans ses discours.
Il y a même un parti politique qui a fait de moi son fond de commerce, d’après ce qu’on m’a dit au foyer !
Je suis maintenant en retraite, je voudrais bien rentrer au pays, passer plus de temps auprès de ma femme, le gouvernement veut que je continue à vivre en France, je ne peux pas rester plus de quatre mois au pays. Ils ne savent plus ce qu’ils font !
Le nombre de ceux qui rentrent définitivement au pays augmente, vu qu’après la vieillesse, il n’y a pas une autre vie.
Dans trois mois, je rendrai visite à ma femme qui depuis quarante ans attend mon retour.
J’irai me recueillir sur les tombes de mes amis du foyer qui sont rentrés dans leur terre.
Sur les bancs du foyer, avec le printemps qui arrive, ma silhouette sera encore présente avec le silence qui m’habille.
Mohammed Benchaabane
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