Interview : Djamel Benia « La situation est plus grave que nous ne l’avions imaginée »
Pote à Pote : L'ADICE a participé à la campagne de testing, lancée par le Bureau International du Travail (BIT), en 2006. Comment s'est déroulée cette opération?
Djamel Benia : À la demande du BIT et de l’association ISM Corum, nous nous sommes occupés des testings sur la région Nord. Nous avons donc fait appel à des comédiens pour démarcher plus de six cents entreprises. Deux des candidats étaient français de souche, les deux autres d’origine arabe. À chaque fois, nous adaptions les CV à l'entreprise visée. Les candidats avaient toujours le même profil, les mêmes qualifications, excepté bien sûr, l'origine ethnique.
Quelles conclusions avez-vous tiré de cette campagne?
Le constat a été alarmant ! Les candidats français avaient cinq fois plus de propositions d'entretiens sur les postes qualifiés que les testeurs maghrébins, et trois fois plus sur les postes non qualifiés. Notre conclusion? La situation était encore plus grave que nous ne l’avions imaginée. Nous avions des soupçons mais pas encore de preuve de l'étendue du phénomène des discriminations dans l’emploi.
Le testing est-il considéré comme fiable?
Pour la première fois, on ne se contentait pas de se baser sur le ressenti des personnes discriminées. Nous avons apporté des chiffres, des faits, des preuves. Selon moi, cette méthode est scientifique et c’est, jusqu’à aujourd’hui, la meilleure manière d'alimenter le débat de manière objective.
Quelle a été la réaction des pouvoirs publics?
Alors même que la commande émanait de l'Etat, il n'y a pas eu de réelle prise en compte de nos conclusions. Je crois que l’urgence n’a pas été suffisamment mesurée…
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