Leila Chaibi : de la vie associative à la vie politique ; prendre parti.
Peux-tu nous raconter ton parcours militant ?
J'ai commencé à m'engager à Toulouse, à SUD-Etudiant en 2001. En 2002 je me suis mobilisée lorsque Le Pen était au second tour des élections, puis en 2003 contre le G8 d'Evian. Au contre-sommet à Annemasse, on avait organisé un collectif de sensibilisation à l'altermondialisme. J'étais aussi impliquée dans la création de médias alternatifs. A cette époque, je cherchais à construire concrètement des alternatives pour essayer de faire bouger les choses. En 2005, je suis arrivée sur Paris pour un stage. Le collectif des stagiaires de Génération Précaire venait de se créer, je m'y suis greffée.
Quelles différences entre Toulouse et Paris ?
Le collectif était très ouvert, alors que j'étais habituée à militer à la gauche de la gauche. En même temps, ça permettait de sortir des cadres militants habituels. On a eu directement un gros buzz médiatique, avec nos masques blancs. Un an après, on a monté le collectif Jeudi Noir, avec la même problématique du « bizutage social », ce parcours du combattant pour obtenir un travail et un logement. Pour que les politiques réagissent, il fallait faire des actions formatées média. Par exemple, on s'incrustait avec du champagne et des cotillons dans les visites d'appartements ! Il fallait toucher l'opinion publique, c'est-à-dire la télévision. Les médias nous instrumentalisent, instrumentalisons les médias...
Et au niveau politique ?
J'ai eu un bref passage par Alternative Libertaire. Ma société idéale, c'est le communisme libertaire. Mais tu ne peux pas juste prêcher dans le désert. Je pense qu'il y a urgence à sortir du capitalisme, mais ça ne peut pas être en portant un discours abstrait. Lorsque j'ai décidé de m'engager dans une organisation politique, le NPA, c'était pour avoir une action non plus sectorielle, mais globale, à l'échelle du système où sont organisées les choses.
Tu en es où aujourd'hui au niveau des collectifs plus thématiques ?
Je suis toujours à Jeudi Noir. Certains membres ne sont pas du tout engagés en politique et continuent à agir comme ça. On en a besoin pour mettre la pression. Mais à un moment, j'ai eu besoin de débouchés politiques. C'est pas l'idée de me professionnaliser ou de venir jouer dans la « cour des grands », mais tu ne peux pas faire l'autruche : il faut proposer un projet de société.
Est-ce que tu penses que le monde associatif est plus intègre que le monde politique ?
Certains élus, militants dans des associations, tombent dans la compromission lorsqu'ils sont en politique. Je me dis qu'ils sont plus efficaces dans le mouvement social. C'est pour ça qu'au Front de Gauche, on considère que les vraies mesures de rupture ne se négocient pas avec les marchés, on le voit avec la Grèce actuellement. Si on devait discuter un accord avec le PS, on sait bien qu'on devrait revenir sur la majorité de nos revendications. Dans le fond, je dirais que les relations sont plus franches dans le monde associatif, où il y a moins d'enjeux de pouvoir, de carrière, de prestige.
Le monde associatif, une école avant les partis ?
Il n'y a pas de hiérarchie entre les deux. Est-ce qu'il faut qu'un parti ne soit composé que de gens baignés dans l'appareil ? Je flippe de me transformer en apparatchik ! C'est tellement chronophage, tu peux ne militer qu'au sein du parti, vu tout ce qu'il y a à faire ! A ce moment, tu ne vois plus le monde qu'à travers le prisme de ton organisation politique, et tu deviens le militant-soldat, un profil qui ne me parle absolument pas. Personne ne nous force à militer, ce n'est pas un sacrifice, on le fait parce qu'on prend notre pied en le faisant. Et c'est comme ça que c'est le plus efficace !
Propos recueillis par Eddy Maaroufi / Ressources Urbaines
Publier un nouveau commentaire