Un train peut en cacher un autre
Dans les années 70, la France avait besoin de main d’œuvre pour aller dans les mines. L’état français a donc été chercher des mineurs marocains, dans des conditions inadmissibles, dans les villages de l’Atlas. Ces mineurs étaient scrutés sur la place du village, on jugeait leur capacité physique (dents, poumons) et un tampon rouge attestait de la mauvaise condition de certains, alors qu’un tampon vert validait la bonne condition des autres. Ces mineurs venaient ensuite dans le nord de la France où ils étaient préposés aux mines. Lorsque dans les années 80, 85, 90, les mines ont fermés, la plupart des mineurs marocains sont restés en France. Pourquoi ? Parce qu’entre temps, ils avaient fait venir femmes et enfants, et s’étaient intégrés dans la région. Cependant, le droit au rachat des maisons des mineurs appelés rachat des avantages en nature n’était pas effectif pour les mineurs marocains. Pourquoi n’avaient-ils pas le droit de racheter leurs avantages en nature ? Tout simplement car les mines étant fermés, le gouvernement pensait que tous les mineurs repartiraient au Maroc, en Algérie etc. Le gouvernement avait sûrement oublié que ces mineurs s’étaient bien intégrés, de même que leurs enfants, souvent nés en France. Ainsi, en 2006, j’ai été sollicitée par 10 mineurs marocains qui voulaient racheter leurs avantages en nature et à qui on refusait ce rachat. J’ai immédiatement saisi la HALDE, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité qui a affirmé le caractère discriminatoire dans cette affaire. La HALDE a également exigé de l’état la résolution de ce problème. Cependant, les maisons n’appartenant plus à l’état mais à d’autres bailleurs sociaux, il était impossible pour les mineurs étrangers de racheter ces biens, qui n’étaient alors pas à vendre. Nous nous sommes donc dirigés vers le conseil des Prud’hommes, qui a décidé que les mineurs avaient droit à des dommages et intérêts, du fait la « perte de chance » avérée que les mineurs ont subi. En effet, s’ils avaient eu le droit de racheter leur maison il y a 20 ans, celle-ci vaudrait aujourd’hui près de 150 000 euros. Le préjudice était donc bien établi. Nous avons donc gagné en appel. Cependant, l’affaire étant devenue populaire, tous les mineurs maghrébins revendiquaient le droit au rachat de leur maison, si bien que l’affaire est passée en cassation. Actuellement, 50 dossiers sont en attente, l’arrêt de la Cour de Cassation n’est pas encore connu. Nous avons néanmoins une information quant au pourvoi de la partie adverse, qui aurait été rejeté, ce qui nous rassure quant à notre victoire sur ce dossier.
Marianne BLEITRACH
Maître Marianne Bleitrach
Avocate au Barreau de Lens, handicapée depuis son enfance, elle a attaqué le ministère de la Justice parce que la plupart des tribunaux sont inaccessibles aux fauteuils roulants.
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