Culture »
Sinik, « il n’est pas question de renier notre appartenance à la France »
Dès les premières paroles, le cadre est posé : « 2010, la France est violente, ne sors pas sans tes papiers/ brutale est notre époque, à la guerre comme à la guerre/ Avant j’étais à cran dorénavant je suis à craindre » c’est un album plus radical ?
C’est vrai, mais je ne peux pas vrai- ment expliquer pourquoi. L’écriture se fait naturellement au gré de mes états ou des influences du moment. En fait c’est assez spontané !
Mais c’est aussi un album très personnel avec par exemple des morceaux comme « mauvaise graine » ou « inespérée».
Dans mes albums, il y a toujours eu des morceaux très perso. Pourtant, dans la vie de tous les jours, je ne me confie pas si facilement. Mais la musique a des vertus thérapeuti- ques et me permets de dire des choses qu’en temps normal je ne pourrais même pas dire à mes proches ! Il faut faire preuve de sincérité et casser un peu l’image des rappeurs qui prétendent avoir une vie qu’ils n’ont jamais eue. Être capable de dire qu’on a commis des erreurs, qu’on a vécu des galères, qu’on a fait, certaines fois, des trucs pas très glorieux... C’est aussi une manière de faire des morceaux, de se libérer, et de faire passer des messages.
J’aimerais qu’on parle du titre « Adrénaline » et en particulier d’une phrase qui m’a interpellée : « nique la France ». Pourquoi utiliser une expression aussi polémique ?
C’est une expression déjà plusieurs fois utilisée. Mais ça ne veut, en aucun cas, dire qu’on va aller brûler le pays. Pour nous (rappeurs) c’est un mode de vie.
Comment ça un mode de vie ?
Il n’est pas question de renier notre appartenance à la France. Cette expression symbolise l’état d’esprit qui règne dans les quartiers. « Niquer la France » c’est quelqu’un qui se débrouille seul, certaines fois, de manière illégale mais aussi légale. Les jeunes issus de l’immigration se sentent agressés en permanence, il y a des comportements de la part de certains qui sont beaucoup plus violents que les mots que nous prononçons. Il ne faut pas s’étonner qu’il puisse y avoir un sentiment de rejet à l’égard du pays.
Quel regard, aujourd’hui, portes-tu sur le milieu du rap ?
Le rap a évolué ces dernières an- nées. Avant on parlait de société, du chômage, du racisme, aujourd’hui on parle de soi, de sa voiture, de l’argent qu’on gagne c’est l’égo trip. Je préférais quand les mecs avaient des choses à dire et qu’ils brillaient un peu moins, plutôt que l’inverse. Un morceau comme « dialogue de sourd » ou « parole d’hommes » sont des morceaux où j’essaye de faire ré- fléchir les gens mais il faut aussi des titres comme « Adrénaline» pour capter les plus jeunes.
Propos recueillis par Loubna Méliane.
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