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Akli D. de Paris à Hollywood
Pourquoi Akli D. ?
Akli, c'est mon prénom. La lettre D. représente beaucoup de choses pour moi. C'est la première lettre du nom de mon village, de mon nom de famille. Il n'y a pas vraiment de mystère.
Pourquoi l'album s'appelle-t-il Paris Hollywood* ?
La chanson Paris-Hollywood parle d'esclavage moderne. C'est l'histoire d'une jeune fille africaine qui s'est retrouvée enfermée dans un appartement à Paris. On lui a pris ses papiers. Cinq ans plus tard, des voisins ont donné l'alerte et elle a fini dans un Mac Do. C'est une histoire que j'ai lue ou entendue aux informations. Paris, c'est sa première escale, et je me suis raconté que comme elle était belle, on lui avait promis des rêves. Cette chanson se veut un témoignage.
Quant à l'album, il est plein d'histoires de gens que j'ai rencontrés sur ma route. La chanson Yann et les abeilles parle d'un copain avec qui j'ai fait des chansons dans les années 90 et qui est maintenant décédé. Maria, c'est une chanteuse rencontrée grâce à Manu Chao. Une chanteuse merveilleuse. Je trouve mon inspiration dans la nature des gens, des identités humaines différentes. J'aime les histoires, moins quand elles sont tristes. J'ai de la chance de faire de la musique et de pouvoir les raconter.
Depuis quand fais-tu de la musique ?
Professionnellement, depuis dix ans. Sinon je fais de la musique depuis l'enfance. Ma mère était chanteuse façon griot. On venait la chercher pour chanter dans des événements où elle improvisait des chants spirituels. Mon père avait arrêté la musique avant que je naisse. J'ai également deux frères musiciens.
J'ai grandi dans un petit village kabyle, sur la fameuse rue de l'Indépendance. A part le foot et la guitare, il n'y avait rien à faire. Sinon lire des BD quand on était fatigué. Donc la musique, ça a commencé tout de suite pour moi.
Comment définirais-tu ta musique ?
C'est de l'afro-folk, un peu blues. Elle mélange des sonorités gnawi, malienne, touareg, kabyle, chaoui. Tout ça c'est l'Afrique à laquelle se mélangent des sons venus de l'Occident, de la chanson française à la folk américaine. A une époque j'ai beaucoup écouté des gens comme Bob Dylan et Neil Young. Je joue de la guitare avec une douze cordes qui rend des sonorités très folk. C'est une fusion de musiques du Sud et du Nord.
En principe j'écris tout. Dans le dernier album, Madgyd Cherfi de Zebda a écrit Tiziri, ce qui signifie "Clair de lune". Il y a également Géraldine Torres de Face A La Mer, Fredo des Ogres de Barback et Amparo Sanchez qui ont collaboré à l'album. C'est de l'amitié. Pour cet album, mon éditeur voulait me faire appeler des gens que je ne connaissais pas. Mais je n'ai travaillé qu'avec des amis. Je fais de la musique avec eux. Manu Chao, c'était déjà un pote. Ce sont les échanges humains qui font qu'on a envie de partager.
Comment s'annonce la tournée ?
Je viens de faire un concert à l'institut français de Londres. J'ai fait le New Morning avec un bluesman norvégien et le Cabaret Sauvage. J'adore le Cabaret Sauvage, c'est comme chez moi, j'aime comme ce lieu est habité. Il a quelque chose, même quand c'est vide. Ce n'est qu'un chapiteau en fait, mais c'est beau. Ça fait un peu nomade.
Justement, où vis-tu ?
J'ai longtemps vécu à Angers mais je bouge beaucoup. Je n'ai pas d'adresse. Je ne sais pas si ça vient de ma grand-mère ou ma mère qui étaient touaregs, je ne me suis jamais posé. C'est très dur. Des fois c'est super beau, mais ce n'est pas toujours évident car nous sommes dans un monde sédentaire. J'ai ce côté solitaire qui me tue un peu. Mais je suis un faux solitaire car j'aime les gens.
Comment appréhendes-tu la sarkozie ?
Je ne m'intéresse pas trop aux politiciens. Je n'en pense pas grand chose dans la mesure où je ne pense pas qu'ils sont là pour changer les choses. Je vois la tristesse des gens. Les gens sont déçus, ceux qui se lèvent tôt, ceux qui cavalent pour élever leurs enfants. Et en plus on leur annonce une crise. J'espère que la gauche va arriver et essayer de changer les choses. Je me demande si c'est les politique ou les sponsors qui font la politique. Je ne crois pas que les politiciens peuvent changer quoique ce soit sans le portefeuille des publicitaires.
Moi je crois au peuple. Aujourd'hui, il vit dans la peur, la menace de perdre son travail. C'est cette peur-là que je lis dans les visage. Une jeunesse qui ne rêve plus, c'est une voiture qui a calé. Il faut la pousser. Elle consomme comme si c'était le dernier jour. Ça va trop vite.
Que penses-tu du mouvement des Indignés ?
J'adore. Et j'adore Stéphane Hessel. Ça va prendre j'espère. Un mouvement populaire sans politicien derrière, c'est ce que j'attends. C'est ce qui pouvait arriver de mieux à notre humanité. Qu'on arrête de jouer avec les portefeuilles. Les gens voient des joueurs de foot à la télé, payés des millions. Ils se sentent humiliés. C'est là où on voit le décalage total entre le peuple et les politiciens.
Est-ce que ce sont des sujets que tu as envie d'évoquer dans tes chansons ?
Je n'en parle pas encore dans mes chansons, mais c'est quelque chose que j'aimerais faire. J'y crois à ce mouvement. Je viens de le découvrir et j'aimerais bien aller les rejoindre.
Est-ce que tu retournes en Algérie ?
J'y retourne de temps en temps. On m'a fait comprendre que je ne devais pas rester là-bas car une partie du gouvernement n'apprécie pas ce que je dis. Je parle de l'histoire de l'Algérie qui est complètement folle. La corruption, la prostitution, la jeunesse dans l'alcool, les universités qui ne ressemblent plus à des universités... Je dis : « Arrêtons l'exil. » Aujourd'hui l'Algérie aide certains Etats endettés et n'aide pas son peuple qui part dans des bateaux, les Haragas comme on les appelle, alors qu'elle a je ne sais pas combien de milliards dans les caisses. Il faut que ça change.
Propos recueillis par Christine Chalier
*L'album Paris-Hollywood est sorti depuis le 10 octobre.
AKLI D sera en concert le 10 décembre au Quai branly à Paris.
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