« Je suis surpris de ne pas voir plus de révolte »
Pote à Pote : Stéphane Gatignon, quels sont les enjeux de la suppression de la taxe professionnelle, récemment annoncée par le Président de la République ?
Stéphane Gatignon : L’enjeu ? C’est « comment les collectivités locales vont-elles survivre ? ». A Sevran, la Taxe Professionnelle (T.P.) ne représente que 5,5% de notre budget. Mais si on ne les touche pas, c’est simple : on est morts. Alors, imaginez les villes dont la T.P. représente 30% du budget… Dans ces conditions, pourquoi les villes se battront-elles pour accueillir des entreprises, avec les nuisances de bruit ou de trafic que cela implique ? La suppression de la T.P. risque donc en plus de bloquer la dynamique territoriale.
Vous assurez que si on avait mieux réparti les fruits de la T.P., nous n’en serions pas arrivés là…
C’est vrai. Cette taxe a créé des inégalités terribles sur le territoire, ou à l’intérieur même de l’Ile-de-France. Les maires se comportent comme des barons qui se débrouillent pour tirer le plus d’argent à eux. Il n’y a jamais eu aucune discussion, dans les partis de gauche, sur le moyen de partager les produits de la taxe professionnelle. Les fonds de péréquation ou de solidarité entre villes restent très faibles.
Pourquoi ?
Il faudrait en passer par une loi. Or les députés, en Ile-de-France comme en province, viennent des communes les plus riches de leurs circonscriptions. Ils ne sont pas sensibilisés au problème. Pour les villes pauvres, c’est la double peine : pas d’entrée d’argent via la taxe professionnelle, et, du coup, des impôts plus élevés qu’ailleurs. Sur ce plan, la France est l’un des pays les plus inégalitaires en Europe.
Comment voyez-vous la suite ?
J’espère que ce débat sera l’occasion pour la gauche de se ressaisir, et de travailler sur ces questions de répartition des richesses qui sont la base de la construction d’une société. En instaurant par exemple une T.P. unique qu’on redistribuerait ensuite. On ne joue que sur la concurrence entre territoires au lieu de jouer la solidarité. Je suis très surpris de constater la faiblesse de la révolte des élus face à l’annonce du Président. Or, sur le fond, ce problème est très politique, absolument pas technique : nous n’avons aucune vision de société.
Cyril Pocréaux
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