Le double visage de la peur et la haine
On assiste actuellement à une montée de la xénophobie en Grèce. Les immigrés jouent-ils le rôle des boucs émissaires de la crise ?
Le système néo-libéral tel qu’il a été appliqué et tel qu’il a évolué ces dernières années crée de plus en plus de fossés entre les différentes couches sociales. Ceux qui payent les pots cassés, ce sont toujours les plus pauvres, les plus déshérités. Et les plus déshérités en ce moment en Europe, c’est l’immigration qu’elle soit légale ou illégale. Il s’agit en grande partie d’une main d’oeuvre non qualifiée. Il y a certes aussi une main d’œuvre très qualifiée. Mais en Grèce en particulier, c’est une main d’œuvre non qualifiée qui vient. Elle est le résultat des guerres qui ont été menées par le passé, qui ont empêché une grande parie des populations asiatiques et du Moyen-Orient de s’occuper d’elles-mêmes et ce sont eux qui paient les pots cassés. Je pense que cette question doit être prise en charge d’une façon beaucoup plus sérieuse. Premièrement en créant des conditions là où il y a possibilité d’intégrer les gens dans la société. Et d’un point de vue économique, la Grèce n’en offre objectivement pas encore les conditions. Il ne faut pas permettre que les immigrés soient les boucs émissaires de la police, de l’extrême-droite, des mafieux. Parce que les mafieux pénètrent ces milieux qui n’ont pas de débouchés pour les récupérer, pour exploiter, pour les transports, pour la chair humaine...
Où en est l’extrême-droite en Grèce ?*
Chez nous, l’extrême droite a un double visage. Il y avait le parti du LAOS (Alerte Populaire Orthodoxe, ndlr), un parti parlementaire qui a ces derniers temps participé une courte période au gouvernement, aux côtés de Nouvelle Démocratie et du PASOK (Parti Socialiste, ndlr). Parce que sur le plan politique, le PASOK aussi est un parti de droite actuellement en Grèce. Dans ce LAOS se trouvaient des militants d’extrême-droite et même des néo-nazis. Avec les élections, le LAOS a perdu beaucoup de ses forces mais nous avons vu se renforcer une formation politique, Aube Dorée (Chrysi Avgi), qui a ramassé une partie du mécontentement de la population. C’est intéressant de dire qu’elle se compose surtout d’une population mâle, qui baisse dans les sondages mais qui progresse dans l’opinion. Pour conclure, je pense que ce doit être une approche de toute la gauche en Europe de se battre contre l’extrême-droite. Car l’extrême-droite commence par dire que l’étranger est un ennemi. Après, que celui qui ne travaille pas est un ennemi. Après, que celui qui n’a pas la bonne couleur est un ennemi. Après, que tous sauf leur élite sont des ennemis. Donc c’est très dangereux.
Est-ce que Syriza milite pour la régularisation des sans-papier ?
Pour nous, le cas est un petit peu particulier dans la mesure où la Grèce est un pays limitrophe de l’Europe, l’Asie et l’Afrique. C’est donc essentiellement un pays de transit. Mais un accord qui date de 2003, le Règlement Dublin II, oblige les immigrés illégaux à rester dans le pays européens par où ils sont arrivés, sinon ils peuvent y être refoulés. Syriza milite pour permettre aux gens qui viennent en Grèce d’aller là où se porte leur choix en Europe. Car très peu sont venus pour rester en Grèce. La plupart sont venus pour se diriger vers d’autres pays. Nous sommes absolument contre l’idée les faire entrer dans des camps qui ne seraient que des camps de concentration améliorés. Maintenant, donner des papiers à tout le monde en Grèce du fait que nous sommes une voie de passage, et vu la crise en Grèce, c’est une question délicate qu’il faudrait examiner.
Propos recueillis par Christine Chalier
* NB : cette interview a été réalisée quelques semaines avant l’entrée du parti d’extrême-droite Aube Dorée au Parlement grec.
Illustration : Manifestation antiraciste en Grèce le 22 septembre 2012
Aliki Papadomichelaki est née en 1943. Il y a 70 ans. Fille de communistes, elle a passé les trois premières années de sa vie dans le camp de concentration de l’île Makronissos avec sa mère. C’est dans ces camps où les communistes, en tant que prisonniers politiques, étaient parqués dans des conditions inhumaines. Séquelles de la guerre civile en Grèce qui a duré de février 1946 à août 1949. Alors qu’elle étudie l’économie en Tchécoslovaquie, elle est témoin du Printemps de Prague, elle a aussi lutté contre l’arrestation de sa mère par la junte des Colonels en entamant une grève de la faim devant l’ambassade grecque à Prague. Déchue de sa nationalité, réfugiée politique, elle rencontre son futur mari en Algérie où elle restera jusqu’en 1991 et l’arrivée du FIS (Front Islamique du Salut). Aujourd’hui c’est en Grèce où sévit la crise et au sein de Syriza, la coalition de la gauche radicale, qu’Aliki poursuit son combat pour que l’égalité devienne une réalité en Europe.
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