Obama, un nouveau Martin Luther King ?
Longue marche
« Des mots ne suffirent pas à libérer les esclaves de leurs chaînes, ni à donner aux hommes de couleur leurs pleins droits…il a fallu encore que des générations s’engagent en protestant dans la rue et devant les tribunaux en menant une campagne de désobéissance civile pour réduire l’écart entre la promesse de nos idéaux et la réalité de leurs temps. » Les mots du candidat démocrate à la présidence des Etats-Unis lors de son discours sur la question raciale en 2008 rappellent comment l’aventure politique de Barack Obama est indissolublement liée au combat historique pour les droits civiques de Martin Luther King. La référence est là. Et la filiation politique est revendiquée : « C’est l’une des tâches que nous nous sommes fixées aujourd’hui au début de cette campagne : continuer la longue marche de ceux qui nous ont précédés, une marche pour une Amérique plus juste, égale, plus libre et plus généreuse ». Le candidat, en convoquant cet héritage historique, reconnaît que sans le combat de Martin Luther King, il n’y aurait peut-être jamais eu de Barack Obama.
Et, par bien des aspects, la comparaison et la filiation avec le pasteur ne se limitent pas à sa seule couleur de peau : le candidat démocrate prend lui aussi son essor médiatique dans une période sociale difficile sur fond de crise économique liée aux subprimes et à la flambée du pétrole. De plus, les Etats-Unis, malgré les avancées décisives dans la lutte contre la ségrégation, sont encore aux prises avec l’inégalité raciale et la discrimination. Tout comme Martin Luther King, le leader démocrate porte un message d’union et d’espérance dans un contexte de crise : « J’ai affirme ma conviction profonde qu’en travaillant ensemble nous arriverons à panser nos vieilles blessures raciales et qu’en fait nous n’avons plus le choix si nous voulons continuer d’avancer dans la voie d’une union plus parfaite. » Tout comme lui, il est vu par beaucoup comme l’homme providentiel qui viendra à la rescousse d’une Amérique en quête de repères et de justice. Sera-t-il à la hauteur de cette comparaison avec le grand King ?
« Union parfaite »
Par sa couleur de peau, sa candidature est un témoignage de l’évolution d’une société américaine en mutation. De fait, le démocrate en est l’incarnation vivante. Fils d’un kenyan et d’une blanche américaine, il est devenu le symbole de cette Amérique métissée rêvée par Martin Luther King, où la ségrégation est désormais un délit. Minimiser la puissance de ce symbole, c’est minimiser la bataille titanesque des militants pour les droits civiques, Martin Luther King en tête, c’est minimiser cette bataille qui permet qu’un Noir puisse être élu à la tête des USA aujourd’hui, alors qu’il ne pouvait pas voter il y a quarante ans ! Cette candidature est donc évidemment le signal très fort d’une avancée démocratique profonde. Le « symbole » politique que représente Barack Obama, n’est donc pas seulement un symbole, mais un acte politique en soi.
Cependant, trop souvent, les médias ont réduit Barack Obama à une sorte d’emblème pacificateur de la réconciliation raciale, sorte de produit de la discrimination positive raciale réussie censé faire plaisir aux libéraux candides, et témoigné de la nouvelle et meilleure visibilité des Noirs en politique aux USA. C’est peut-être oublier un peu vite que Barack Obama n’est pas uniquement un symbole mais un homme politique. Et il montre sa détermination à être le rassembleur « de l’union parfaite » que peut constituer selon lui, le peuple américain. Tout comme Martin Luther King, B.Obama tente de sortir de ce clivage « candidat des Blancs » / « candidats des Noirs », ou encore « candidat des Noirs pour les Blancs » comme le pensent certains. Ce message d’union universelle, Martin Luther King le portait déjà dans les années soixante. Mais la grande différence, c’est que Martin Luther King a d’abord été considéré comme un homme politique noir, avant d’être reconnu comme un homme politique américain.
Signe que les temps ont changé et que le combat du pasteur pour les droits civiques n’a donc pas été vain : Obama est un homme politique américain, avant d’être un homme politique noir.
Eugénie Ravon
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