Lettre ouverte au film Case Départ

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Lundi, 15 Août, 2011
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Ce qui est drôle, c'est ce qui n'est pas drôle. Et le plus fort, c'est d'en rire en en prenant conscience. Sur les traces de Chaplin dans Le dictateur, et de Benigni dans La vie est belle, Thomas N'Gijol et Fabrice Eboué dans leur film autour de la traite négrière Case Départ, sorti ce 6 juillet, creusent le sillon du rire conscient. 

Chère Ancêtre,

 

Quand les deux héros ont le malheur d’’atterrir à ton époque : t’’ont-ils dit que c’’est parce qu’’ils avaient osé nier leur héritage? A la fin, quand les deux héros retrouvent la liberté, ce n’’est pas par révolte. Non, s’’ils sont affranchis, c’’est par le bon vouloir du maître : ça a été comme ça pour toi aussi ? Attends. Je m’’emballe. Reprenons.

 

Chère Ancêtre,

 

Déjà, je sais que tu ne me connais pas. Mais au bout du compte est-ce que je te connais bien plus depuis que j’’ai vu le film Case Départ ? Non. Ce n’’est pas pour toi que ce film a été fait. Non. C’’est pour moi.

 

Evidemment, je fais comme si tu savais ce qu’’est un «film». Alors que je sais pertinemment qu’’en 1780, sur une île colonisée par une élite française esclavagiste, évidemment, tu ne connais pas encore ce 7ème art qui permet, aujourd’’hui, en 2011, à deux comédiens Noirs de parler d’’esclavage, mentale et physique, et d’’émancipation à conquérir, à travers la reconquête d’’une histoire rarement évoquée au cinéma.

 

Tu vois, chère Ancêtre, Thomas N’’Gijol et Fabrice Eboué ont été à la hauteur. Les deux comiques qui réalisent ce film (avec Lionel Steketee), et qui jouent dedans (avec le Jamel Comedy Club), ont réussi là quelque chose d’’audacieux : faire rire avec le pire. Après chaque coups de fouet que tu as pu recevoir, les deux comédiens parviennent à me faire rire. Après chaque vente au marché des esclaves, après chaque humiliation que tu as pu subir, suivent ces possibilités d’’en rire. Un moment, toi aussi chère Ancêtre, le visage dans le sable, mise à genoux par le maître, tu as du j’’en suis sûr te relever, puis courir au ralenti sur une musique mélodramatique puis te faire soudainement arrêter dans ta course par une poutre ! Toi aussi j’’en suis sûr tu aurais voulu jouer du Laurent Voulzy gentiment, et non pas te faire marquer les fesses au fer rouge en forme de fleur de lys.

 

Ce symbole me fait penser que la France du Code Noir que tu subis changera bientôt, même si les deux protagonistes ne sont pas tout à fait d’’accord. L’’un parle de démocratie quand l’’autre lui oppose la colonisation; l’’un parle du Pays des Droits de l’’Homme quand l’’autre lui oppose la collaboration; etc. Tout ça, je sais, ne t’’évoque pas grand chose chère Ancêtre, mais ce qui est remarquable, c’’est qu’’ils tombent d’’accord sur un point : les avancées sociales françaises, comme par exemple l’’assurance chômage que sont les Assédics.

 

Justement, grâce au film, je sais mieux que l’’esclavage, c’’est la traduction d’’un système d’’exploitation économique, et que toi, en tant qu’’esclave, tu n’’es qu’’un outil de production. Le racisme ? C’’est qu’’un prétexte pour excuser ce début de capitalisme inhumain... Si ce n’’est pas un pléonasme. Le racisme permet aussi la division et le maintien de l’’ordre établi. Le film finit par bousculer les caricatures et rappelle les blessures qu’’un Noir peut encore vivre à mon époque : les Blanche Neige par ci, les mains dans les cheveux «incroyablement» doux par là, et si tu portes un chapeau alors tu ressembles à Anthony Kavanagh, ou à Robert Nesta Marley si tu portes un bob. Tous les jours. Plusieurs fois par jour. Et par plusieurs personnes différentes. Dans ton enfance, au bureau, et dans la rue. Ce n’’est pas facile aujourd’’hui. Mais ça l’’a été encore moins à ton époque. Avec ou sans humour.

 

Ce «Bienvenue chez les esclava- gistes» parle de faux musulmans, de faux catholiques, et de vrais juifs. Et de fausse homophobie. Je regrette seulement qu’’il ne parle pas de sexisme, seule une affichette en flou dans un seul plan, rappelle qu’’on ne peut pas parler de tout. Mais quand nos deux héros te quittent pour revenir à mon époque : qu’’est-ce qui a changé pour eux ?

 

Le personnage de Fabrice Eboué est conseiller municipal. Maintenant plus émancipé, il exige que l’’homme politique, ici, le maire, s’’adresse à lui avec respect. Pour le personnage de Thomas N’’Gijol, c’’est moins glorieux. C’’est un lascar qui voudrait être pris pour une racaille. Maintenant plus sérieux, il signe un CDD, il sera payé au SMIC. Face à lui, le nouveau maître du champ de béton avec qui il signe est un... asiatique. Comme quoi, on ne peut pas tout avoir d’’un coup : la fin de la traite négrière, et la fin de l’’exploitation.

 

Car même si le chemin parcouru s’’avère immense, quand on voit défiler le générique de fin avec les noms des producteurs et des distributeurs et de toute l’’équipe, on voit bien qu’’on n’’est en fait, toujours pas très loin de la case départ...

 

Avec toute ma gratitude,.


un de tes petits enfants qui t’’aime, dolpi

 

P.S.: Si un jour tu vois ce film, pardonne- leur d’’avoir choisi de ne pas montrer toute l’’horreur que tu as pu vivre : toi-même tu sais, ce n’’est pas facile d’’être pionnier.

 

 

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