Discrimination au logement : l’éternel recommencement

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Lundi, 26 Décembre, 2011
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La difficulté à faire condamner les agences et les propriétaires qui pratiquent la discrimination au logement, et ce, malgré les preuves apportées par des testings, transforme ceux qui s’y essayent en des Sisyphes1 modernes.

 

(Photo : Article du Parisien sur une affaire similaire)

 

Pourquoi n’y a-t-il pas de « tolérance zéro » en matière de discriminations au logement ? Pourquoi certains magistrats instructeurs ou du parquet adoptent une attitude laxiste à l’égard d’auteurs, co-auteurs ou complices de discriminations au logement ? Peut-on écarter des éléments de preuve à charge sans aucune justification ? Telles sont les questions auxquelles on est tenté de se poser au vu de l’affaire SOS Racisme c/ l’agence immobilière Alvimmo de Palaiseau qui, au fil des procédures, se résume à un éternel recommencement.

 

A l’origine de l’affaire Alvimmo, la dénonciation d’une salariée opposée aux pratiques discriminatoires du Directeur de l’agence qui aurait donné des instructions fermes de ne pas retenir les candidatures à la location de personnes d’origine maghrébine, africaine, antillaise et asiatique. Une opération testing réalisée auprès de cette agence, pour les besoins de l’émission « Pièces à Conviction » diffusée sur France 3, le 24 février 2006, a permis d’établir la réalité des faits. Lors de l’enregistrement effectué à l’aide d’une caméra cachée, le Directeur de l’agence ordonnait de manière lapidaire « pas de Noirs, pas d’Arabes, pas de Japs ».

 

Fort de ces éléments, Samuel THOMAS, ancien Vice-Président de l’association SOS Racisme et actuel Président de la Fédération Nationale des Maisons des Potes, porte plainte devant le Procureur de la République. Toutefois, la constitution de SOS Racisme en partie civile a été déclarée irrecevable le Juge d’instruction au motif que l’association ne disposait pas d’une autorisation d’agir. Une irrecevabilité confirmée par la Chambre de l’instruction et par la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Retour à la case départ, Samuel Thomas entreprend donc de recueillir une autorisation d’une victime des discriminations pratiquées par l’agence, et dépose une nouvelle constitution de partie civile, cette fois déclarée recevable en novembre 2009.

 

Le 3 janvier 2011, le juge d’instruction ordonne un non lieu au motif que les déclarations de la salariée n’avaient été confirmées par aucun des employés de l’agence, que par ailleurs, il apparaissait que l’agence immobilière avait loué des logements à des personnes d’origines étrangère, et que pour ceux dont les dossiers avaient été refusés, il était constaté qu’ils ne correspondaient pas aux critères objectifs retenus.

 

Cette ordonnance est aussitôt attaquée devant la Deuxième Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, Pôle 7. L’avocat de SOS Racisme, Maître Emmanuel BIJON, n’hésite pas à mettre en exergue certaines incongruités et contradictions de l’ordonnance de non-lieu. En effet, il est extraordinaire de constater que le Juge d’instruction a délibérément écarté l’ensemble des éléments de preuve fournis par SOS Racisme qui permettaient de conforter les déclarations de la salariée. Mieux, le magistrat instructeur avait demandé au destinataire de la commission rogatoire d’éviter « de procéder à l’audition des personnes citées par SOS Racisme et utilisées lors du testing effectué par cette association ». Ainsi, ni Samuel THOMAS, ni treize victimes potentielles des pratiques discriminatoires de l’agence n’ont été auditionnés par les enquêteurs. Plus étonnant encore, le fait d’avoir écarté la vidéo de l’émission « Pièces à conviction ». Or, la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances venait à peine de consacrer à l’article 225-3-1 du code pénal la jurisprudence de la Cour de cassation du 11 juin 2002 relative testing. Cette méthode de provocation à la preuve, et non de provocation à l’infraction est un moyen loyal et efficace de preuves des discriminations.

 

Par ailleurs l’argument qui a consisté à retenir la présence dans les logements loués de personnes d’origines étrangères était classique et ridicule au regard de la jurisprudence. Dans un jugement en date du 3 août 2005, le Tribunal de grande instance de Toulouse avait condamné la gérante d’une agence immobilière pour des faits similaires.

 

Pour conclure, la Deuxième Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, vient d’infirmer l’ordonnance de non-lieu au motif que « l’ordonnance entreprise a été rendue de manière prématurée », dans son arrêt du 17 octobre 2011. Pour justifier sa décision, la Deuxième Chambre de l’instruction rappelle que « le délit de discrimination est constitué s’il est établi que des refus de locations ont été opposés à des personnes dénommées en considération de leur origine ethnique... si certains témoignages recueillis lors de l’information, n’établissent pas la réalité de pratiques discriminatoires, par contre certains autres peuvent être utilisés pour constituer la preuve d’une situation contraire ». En conséquence, la Cour considère qu’à l’analyse des investigations « il apparaît opportun de procéder à l’audition des personnes dénommées qui sont visées dans le réquisitoire introductif du 24 février 2006, pour lesquelles il avait été fait état par l’association SOS Racisme de pratiques discriminatoires, de vérifier les conditions dans lesquelles leurs dossiers respectifs ont été constitués et refusés, et de procéder pour le moins au visionnage de l’enregistrement vidéo de l’émission Pièces à Conviction diffusée le 24 février 2006 sur France 3 pour en apprécier l’efficacité probante ».

 

La sévérité du conclusif de la Cour est à la hauteur de la légèreté avec laquelle le Procureur et le Juge d’instruction ont écarté des éléments de preuve difficiles à obtenir et d’une efficacité redoutable en matière de discrimination au logement. Le 26 octobre 2011, prenant acte de cette décision, le Procureur de la République a finalement requis un renvoi devant le Tribunal correctionnel. Reste à savoir quelle sera la décision du Juge d’instruction après audition des victimes présumées et visionnage de la vidéo. Même si l’affaire n’est pas encore jugée au fond, il est permis de relever d’ores et déjà une double Victoire sur la forme.

 

 

Babacar Niang

 

 

1Dans la mythologie grecque, Sisyphe était condamné à pousser éternellement un énorme rocher.

 

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